
Une toute jeune fille me montra a Nuku Hiva un assez grand nombre de figures qu’elle disait avoir apprises d’une vieille femme. Je vis d’autres figures à Fatuiva. Le jeu est déjà mentionné par Porter ; il le décrit avec enthousiasme à cause de la grâce du spectacle des mains déliées et vives. Selon lui, les ficelles de fibre de coco étaient portées prêtes à l’emploi autour du cou ou dans le lobe de l’oreille. Avec une adresse et une rapidité surprenante dit-il, les figures passaient du filet à la dentelle, les mailles étaient tantôt en losange, tantôt en carré, tantôt en polygone ou tout cela à la fois. Il ne parle pas des motifs.

Comme le montre la liste qui suit, on trouve des figures d’objets et d’actes de toutes sortes, y compris les allusions à la mythologie. C’est une illustration fidèle du choix des appellations pour les motifs de tatouage ou de décoration. Les chevrons représentent de petits poissons… Nous voyons aussi, comme losange simple les Pléiades, mataiki, correspondant au double sens de mata, l’œil et la maille.

Les motifs étaient le plus souvent faciles à comprendre. J’ai noté : 1. Kaha : diadème de fibres de coco «bandeau frontal Ua Pou» 2. Tanoa kava : coupe à kava de la forme d’une tortue 3. E ùa toki : deux herminettes (manche et lame) 4. Kohe aô : bambou devant 5. Kohe tua : bambou derrière 6. Kohe ôto : bambou à l’intérieur. Différentes positions du mât et de la voile dans le bateau. 7. Uta tia ou ihepe tiâûa : deux-mâts 8. Tiâve : charge [à porter] pour la main ou l’épaule, besace. En même temps on claque des mains et on change.

9. Houpo : cœur, représentation de deux cœurs l’un contre l’autre. 10. Éo piha : langue de bœuf 11. Kivi : héron 12. Toâke veô : queue du phaéton. Losange sur deux longs fils parallèles. 13. Upe : gros pigeon frugivore (contour). 14. Mako : requin. La tête, le corps et la queue sont nettement séparés. 15. Popo tahaihai : deux petits poissons, « carangue » des Français : losanges. 16. Te tumu o te pehe : base du « jeu de pehe », probablement une forme de base des fils. 17. Manini tikaué : miel d’abeille. En rapprochant et éloigna les doigts, c’est-à-dire en raccourcissant et rallongeant les fils, on imite l’action de lécher le miel. 18. Te kamo : le voleur. La main est tenue prisonnière dans boucle, on est brusquement libéré : ua hemo te kamo : voleur est prisonnier -pohoé te kamo : le voleur s’est sauvé

20. Vahakapuo : donne-moi un morceau de fruit à pain. 21. Tokoàu metaki : l’alizé, les cumulus. 22. Ta ipi : marée haute, flot. 23. Tai heke : marée basse jusant. Trois montagnes sous fort de zigzags entre deux fils parallèles dont celui du haut est tendu ou relâché. 24. E ûa motu : deux îles montagneuses. Si on écarte les deux figures vers les coins externes, on forme un grand trou médian : te ava, la passe. 25. E ûa keâ, e ûa keho : deux pierres, deux blocs travaillés.

26. Vaipae, baie de Ua Huka avec trois pics montagneux. 27. vai nui Hakaa : la grande baie de Taipivai et l’embouchure de la rivière principale. 28. Poho o Atea : la porte d’Atea qui écarta les blocs de roc lors de la séparation du ciel et de la terre. 29. Te ahi o Puaiki : le feu ou les étincelles de Puaiki. 30. Te ava tahi o Tu : l’unique passage de Tu (= dieu cyclopéen). 31. Haé-taa o Tu : la maison à poutres croisées de Tu (perches croisées au-dessus du faîte). 32. Mataiki : les Pléiades Souvent les mouvements du joueur ne se limitaient pas aux mains et aux doigts. On employait les dents, on entourait le genou, on passait même la tête à travers… D’après Von Den Steinen page 62 Les Marquisiens et leur art. Volume 2, 1928, 2005.

Mata, l’œil et la maille
» Depuis la fin du 19e siècle, certains anthropologues se sont intéressés à une activité qu’ils ont appelée « jeu de ficelle » (« string figure » ou « cat ‘s cradle » en anglais). Jusqu’au milieu du siècle dernier, ce jeu était encore très pratiqué dans la plupart des sociétés traditionnelles (océaniennes, inuit, amérindiennes, sud-américaines, aborigènes, africaines, asiatiques, etc.) Pour jouer, il suffit de disposer d’un fil d’un à deux mètres de long, puis de nouer ses deux extrémités pour en faire une « boucle » : le jeu consiste alors en une succession de « gestes » effectués sur le fil avec les doigts, mais aussi quelques fois avec les dents ou les pieds. Il s’achève sur une figure finale montrée à autrui.
La pratique des jeux de ficelle semble très ancienne. Probablement depuis des millénaires, des individus de tout âge ont exploré, par la manipulation, les possibilités infinies qu’offrent les déformations continues d’une boucle de ficelle que les mathématiciens appellent le « nœud trivial ». Des scientifiques et explorateurs ont réalisé au cours du 20e siècle des relevés ethnographiques de ces jeux. Grâce à ces travaux nous disposons de corpus provenant de nombreuses régions du monde. Certains d’entre eux contiennent la description de plus d’une centaine de jeux de ficelle. Une étude approfondie de ces corpus montre que la création de ces jeux a très certainement été le résultat d’un travail intellectuel autour des concepts de procédure, d’opération, de sous-procédure, de transformation et d’itération…
La création des jeux de ficelle : une activité mathématique ?
La création des jeux de ficelle semble relever des mathématiques à plusieurs niveaux. L’élaboration des procédures résulte manifestement d’un travail intellectuel d’organisation des opérations élémentaires. Elles nous apparaissent donc comme de véritables algorithmes. Ce travail d’organisation a vraisemblablement consisté à identifier des ensembles ordonnés d’opérations – les sous-procédures – ayant une action significative sur des substrats (positions particulières du fil) différents. Cette activité est de nature géométrique en ce sens qu’elle est basée sur l’ « étude » des modifications de certaines configurations spatiales. On peut penser que la connaissance de l’action des opérations élémentaires et des sous-procédures dans diverses situations donnait à ces créateurs une vue globale du jeu de ficelle dans le temps et l’espace.

Copyright Eric Vandenriessche, Les jeux de ficelle : témoins d’une activité mathématique, CultureMATH – 20/01/2007 vanderdriessche07.1199566699.pdf »
https://www.pourlascience.fr/sd/histoire-sciences/les-jeux-de-ficelle-5713.php
L’article est très intéressant.
Les jeux de ficelle sont aussi représentés par une association internationale du jeu de ficelle, ISFA.
En Français,
http://membres.lycos.fr/stringgames//isfaenfrancais.html
en Anglais et en Japonais
http://www.isfa.org/
et en Hébreu.
http://isfa.amuta.org.il/
J’aimeJ’aime
c’est super, ça me rappelle des souvenirs mais il faut que je cherche le mode d’emploi pour l’apprendre à mes enfants !!!
J’aimeJ’aime
j’aimerai savoir comment on réussi a effectuer le Houpo et tout les autres….
J’aimeJ’aime
connaissez vous un cite de jeu de ficelle mais pour apprendre a faire des formes
J’aimeJ’aime