Doctorant en archéologie, Michel Charleux s’apprête à mener une mission de recherche sur l’île de Eiao ( Marquises) où, dès 1987, il avait confirmé l’importance d’un centre de production d’outillage datant de l’époque pré-européenne. Cette fois-ci, l’archéologue poursuivra ses investigations pendant deux mois. Il y emporte cinq tonnes de matériel.
Il aura fallu trois ans au doctorant en archéologie, Michel Charleux pour finaliser une nouvelle mission sur l’île de Eiao. Les précédentes remontaient à 1987, 2007 et 2008. Aujourd’hui, sous l’égide du Centre international pour la Recherche archéologique en Polynésie (CIRAP), l’appui de l’Université de Polynésie Française et du CRIOBE, une subvention accordée par le biais du Contrat de Projet Etat-Pays et des aides privées diverses (ATN, Brasserie de Tahiti, Vaimato, et autres), avec deux équipes de Marquisiens mis à disposition par la commune de Nuku Hiva, l’archéologue s’est fixé pour objectif de faire l’inventaire des sites et de récolter 150 échantillons minéralogiques. En résumé, tenter de mettre en évidence les relations inter archipels pré-européennes.
Une mission pour la Marine nationale
Une nouvelle mission sur le terrain s’imposait pour Michel Charleux qui s’est pris de passion pour cette île sauvage dont certains paysages font plus penser à la planète Mars qu’à une île polynésienne… « Je pars avec la Frégate Le Prairial. L ‘Alouette déposera 1,5 tonne de matériel sur le plateau d’Eiao », explique l’archéologue qui poursuit « j’y resterai jusqu’au 20 juin avec mon collègue Christian Sospedra, topographe. Nous serons récupérés par le Patrouilleur P400 La Railleuse« .
Comme l’indique Michel Charleux, totalement déserte, avec ses 50km², l’île de Eiao est la plus septentrionale des îles du groupe Nord de l’archipel des Marquises. Érodé, cet ancien volcan effondré, limité par de vertigineuses falaises de 200 à 300m de haut, est une machine à remonter le temps pour le chercheur.
Effectivement, le plateau Tohuanui a été colonisé à l’époque pré-européenne. On y a retrouvé plusieurs dizaines d’ateliers de fabrication d’outillage lithique, preuve d’une production et d’une activité importante qui s’est étalée sur plusieurs siècles. De 1976 à 2008, de brèves missions sur Eiao, menées par des archéologues tels que Candelot, Rolett, Ottino, Charleux, ont permis de l’affirmer.
Une signature physico-chimique
Eiao abrite l’un des deux gisements les plus importants de basalte à grain fin dans la région orientale du Pacifique Sud. L’autre étant situé sur Pitcairn. Du fait de la qualité exceptionnelle de la pierre, les anciens Polynésiens y avaient développé la fabrication de lames, d’outils sur éclat, d’herminettes et autres outillages, penu, etc.
L’abondant outillage produit sur Eiao était d’une qualité telle qu’il fut « exporté » à plusieurs centaines de kilomètres, sur une zone de plusieurs milliers de kilomètres carrés. Il faut savoir que comme toute roche d’origine volcanique, le basalte de Eiao a une composition spécifique qui constitue une véritable signature physico-chimique.
Ainsi, on a retrouvé en fouille – donc pré-européennes – des herminettes provenant de Eiao sur les îles de Moorea et Mangareva, distantes respectivement de 1600 et 1800 km de Eiao. Ces herminettes mettent en évidence les relations entre ces îles bien avant l’arrivée des Européens. Ces longs déplacements des Polynésiens à bord de pirogues ont progressivement cessé à partir des XVe-XVIe siècles pour une raison qui reste encore inconnue.
L’analyse des échantillons minéralogiques rapportés par la mission sera confiée à un laboratoire de l’Université du Queensland qui s’est proposé de les réaliser à titre gracieux, un « cadeau » de près de 50 000 euros non désintéressé puisque les résultats permettront de constituer une base de données unique.
Le tour des musées du Pacifique
« Je me propose ensuite de rechercher dans les collections des musées du Pacifique (Australie, Nouvelle-Zélande, Hawai’i, Chili…), des pièces qui pourraient avoir été façonnées sur Eiao« , explique Michel Charleux. « Cette recherche pourrait déboucher sur la découverte de relations pré-européennes entre archipels que je suspecte, mais qui restent jusqu’alors ignorées« , indique encore l’archéologue.
Exposition aux Marquises
Les Marquises voient passer chaque année de nombreuses missions scientifiques aux objectifs variés. Cette mission fera l’objet d’une exposition culturelle et pédagogique à Nuku Hiva à l’intention des scolaires et de la population. Encore faudra-t-il qu’une modeste subvention soit accordée pour mettre en œuvre ce projet hautement important pour la population des Marquises.
Encore aujourd’hui, la migration entamée voici 5000 ans depuis l’Asie du Sud-Est, véritable épopée d’île en île de ceux qui vont devenir les Polynésiens et peupleront le triangle polynésien, est encore loin d’avoir livré tous ses secrets. De nombreuses zones d’ombre subsistent, en particulier, les relations qui ont pu être maintenues au cours du temps entre les différents archipels, et à l’intérieur de ceux-ci entre leurs différentes îles. CD
Crédit photos : Axel Litchle
Vous possédez un bien joli blog sur lequel j’ai pu voir de belles photos.
Bonne continuation
Nicolas
Graphiste
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