Hiva Oa , Atuona, chorale au collège ; « No Te Ati Enata »

No te ati enata

E uta

He – He – He

No te ati enata

Ia vai ana mai to oe ii nui

Haa uti te tama to oe kuhane meitai

Haa tapu mai oe to uti uti e

Ono hei tou ruu

No te tama

Tahu mai te motua  

No te pakaihi nui

Koho’a nei te tama enata ite meitai no toia kuhane

E aue, e u’i hoi oe ia vai te haka a te po’i hou

Pehea nei hoi te hakatu pohoe te ati enata e haka tumu e

E aue, e u’i hoi oe ia vai te haka a te po’i hou

 

 

Marquises – Le Ru’u (îles du nord de l’archipel) ou Rari, Nani (au sud) est un chant de divertissement ; Joseph Kaiha chante : RU’U PA’IO’IO

  

Ecoutez  ce chant marquisien adressé à un esprit malin du genre petit diablotin…

On peut classer les chants marquisiens en trois catégories :

Koakoa, le divertissement  

Hahi, les louanges

Tapu, la religion

Le Ru’u (îles du nord de l’archipel)  ou Rari, Nani (au sud) est un chant de divertissement.

Les hommes sont sur deux lignes, le genou gauche terre, l’épaule droite penchée sur le genou droit et la main droite sur la joue. Entre ces deux rangées d’hommes, les femmes sont assises sur les talons. Elles chantent rythmant la mélodie par le mouvement gracieux du corps, les gestes de la main, dans un parfait unisson. Un homme dirige le chant, lent, calme, telle une méditation.

« Le ru ‘u, est le seul type de chant qui ait survécu au grand naufrage de la culture marquisienne. Le genre est agonisant à Ua Pou, où il n’est connu que de quelques vieux, les jeunes préférant les « himene kita » (chants accompagnés à la guitare) d’inspiration tahitienne. Il se survit un peu mieux dans d’autres îles. Il s’agit de chants de circonstances destinés à commémorer un évènement (retour d’un combattant de la guerre de 14, d’un Marquisien libéré de prison) ou honorer une personne (une femme remarquable par sa beauté, ou un fonctionnaire en visite officielle, etc.) » écrivait H. Lavondès en 1965.

En 2009, à Ua Pou, la connaissance du ru’u est portée seulement par quelques spécialistes qui se comptent sur les doigts d’une main : Jospeh Kaiha, Toti, Etienne Hokopauko, Benjamin Teikitutoua  pour l’écriture et pour le chant : Rosita la femme de Ben et Claire Ah-Lo.

Le ru’u est un chant de la vie composé par celui qui souhaite exprimer quelque chose d’un quotidien qui le marque particulièrement. Mais le sens du chant n’est pas accessible directement. Le ru’u est difficile à composer car les contraintes liées à la rime, au rythme et à la mélodie  sont incontournables. Les mots sont déformés pour les rendre de prime abord, mélodieux mais provisoirement inaccessibles au sens. Il faut écouter le ru’u plusieurs fois pour identifier les mots ;  il y a des mots qui n’ont pas de sens du tout, ils sont juste placés pour la rime ;  il faut écouter, faire des hypothèses, mémoriser et chercher encore pour atteindre le sens. C’est une complainte, une histoire qui se présente sous une forme très imagée et énigmatique. Les Marquisiens, les Polynésiens en général aiment jouer et plaisanter. Le ru’u est une joute intellectuelle entre ceux qui le chantent et ceux qui l’écoutent. Lorsque l’on écoute le témoignage de ceux qui écrivent des ru’u, on a l’impression qu’ils ont les mêmes préoccupations que les vieux compositeurs de jazz : longue recherche du mot qui conviendra (parfois sur plusieurs semaines), savants arrangements de la mélopée, déformation calculée des sons (phonèmes) et des mots, réflexion sur le sens, le jeu et la communication ainsi que le ressenti de l’émotion.

Il y a presque un demi-siècle déjà, dans la vallée de Puamau à Hiva Oa, au centre du village mais un peu à  l’écart – il y avait beaucoup moins d’habitations qu’aujourd’hui – vivait un homme qui chaque jour chantait un ru’u de sa composition que le voisinage écoutait pour deviner et connaître après moulte interrogations sur le sens de ses paroles, les nouvelles du jour ou de la nuit ! D’une manière embrouillée mais amusante, d’une manière savante mais cachée, il faisait savoir à son auditoire les dernières liaisons amoureuses et éphémères de la jeunesse de Puamau, les vraies et les fausses nouvelles, les bonnes et les mauvaises nouvelles, les tromperies et les ragots. Quand quelqu’un voulait savoir quelque chose sur ce qui se passait dans la vallée, il ne suffisait pas simplement de s’approcher et d’écouter le ru’u, il lui fallait aussi le comprendre.

Plus récemment Joseph Kaiha de Ua Pou a composé un ru’u amusant et rythmé dont voici un extrait :

***

RU’U PA’O I’OI  ( © J. KAIHA)

… / … 

Heruruu…

Heruru’u te henua i te pa’io’io..o..o..ohio

O te pahu ‘utu ‘utu ohio ‘io’io

O te pahu ‘utu ‘utu ohio ‘io’io

Heruru’u te henua i te pa’io’io 

Mauitikitiki matatiki e

Tu te’akau hakahika e

Ua rere ua rere te manu e…

Ta’eke, ta’eva te vaka o te moana

Moerau aririi vererau ruuruu

Kehu hekeruu matatiki e…ho! 

Manamana ia mai, to ‘oe vaka te moana e

Ua vaka te moana, ua aka te mevaha e a te tama e

Vakamana ia mai e…he!

Hakamana ia mai e…ho!

Manamana ia mai tepa’io’io 

Kehu hekeruu matatiki e

Moerau aririi, vererau ruuruu

Kehu hekeruu matatiki e…ho !

Ecoutez  ce chant marquisien adressé à un esprit malin du genre petit diablotin…

Le tambour marquisien, te pahu

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Te Pahu, le tambour d’une civilisation, de tout un peuple qui ressent son résonnement jusqu’au plus profond de ses entrailles, ce symbole de la culture marquisienne avait quasiment disparu. Il a subi tout comme les autres symboles de la culture « Enana », une concurrence déloyale avec ceux du monde des « Hao’e ». Après un siècle de quasi absence, il revient au début des années 1960.

Historiquement, le « pahu » tenait une place d’honneur dans la société marquisienne. Il rythmait la vie au quotidien.

Plusieurs types de «pahu » existaient avec une apparence et une fonction spécifiques. Ainsi, ils se différenciaient comme ceci :

Pahu mea’e, le plus grand des tambours faisant plus de deux mètres de hauteur  sur lequel deux « moa », serviteurs du « tau’a »  le prêtre, frappaient lentement en cadence avec le poing fermé ou les mains plates. Ces tambours étaient placés en contre bas d’une plate-forme en pierre. Les batteurs debout sur le « paepae » étaient alors à bonne hauteur.

Pahu’ua, un grand tambour double.

Pahu topete : long et étroit servi par un seul exécutant.

Le « tutu » : petit tambour pour accompagner les grands, les battements

Sont plus rapides et les doigts entrent enjeu.

Pahu oe’oe : petit tambour réservé à l’accompagnement des chants.

Ils étaient fabriqués par le « tuhuka a’aka pahu » qui utilisait un tronc de mi’o ou de cocotier évidé, longuement frotté au « pani », recouvert d’une peau de requin tendue par de cordelettes de «pu’u ».

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Ainsi les «pahu » résonnaient pendant plusieurs heures sur le « tohua » lors des fêtes invitant les tribus voisines, redoublant de résonance pour les accueillir. Le «pahu » exprimait encore toute sa force lors des repas pantagruéliques où parfois jusqu’à une centaine de porcs étaient sacrifiés pour l’occasion. Le jour de l’union entre un jeune homme et une jeune femme,   le futur marié accompagné par ses amis, s’approchait de la maison en faisant raisonner le «pahu ». Réunis dans une étoffe de « tapa », le jeune couple reçoit les « tau’a » au son du «pahu mea’e » qui entre en scène. Les « Tau’a » scandent des cantilènes des heures durant dans un dialecte qui leur est propre. Des mets sont offerts à la famille de la femme et un autre «pahu » bat le rappel sur le « tohu’a ko’ika ». Tels sont les fragments du savoir sur l’utilisation ancestrale du « pahu ».

Aujourd’hui le «pahu » apparaît dans toutes les manifestations culturelles, religieuses, touristiques et autres. Il résonne pour annoncer le début d’un événement, pour inviter la population à une fête, pour accueillir des invités de marque ou pour la préparation d’un spectacle.

Il rythme les chants et les danses. Il réapparaît en grand nombre à chaque manifestation culturelle. On ne conçoit pClus une danse sans le « pahu » car il contribue de nos jours à démontrer la spécificité de la culture marquisienne.

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On suppose qu’autrefois, les batteurs de «pahu » étaient des initiés, mais aujourd’hui les batteurs s’intéressent dès leur plus jeune âge au «pahu ». Ils deviennent performants après des heures de répétitions.

Peu de personnes connaissent les techniques de fabrication d’un « pahu ». La préparation pour ce festival fut une occasion de transmettre ce savoir à toute génération.

Retrouver les techniques des anciens en examinant de près les pahu, les tambours anciens conservés dans les musées, intéressent quelques passionnés, les nouveaux « tuhuka a’aka pahu ». « C’est l’ensemble du choix des matériaux qui caractérise un bon pahu…et le rendra unique ». Fabriquer un bon tambour comme autrefois exige un savoir-faire. Il faut respecter les proportions. « Tu as l’impression que le volume est le même de haut en bas, voire plus grand en haut, mais en réalité il est beaucoup plus fin en haut qu’en bas ! » déclare Tuarai Peterano, le sculpteur de Hiva Oa. « Il faut ne jamais fendre en deux le bois du tronc dans lequel on va creuser la caisse ». Le tumu me’i, l’arbre à pain, est le meilleur bois pour une bonne sonorisation du pahu. Mais le temanu, le tou, le miro… peuvent aussi donner de bons tambours. Si on utilise aujourd’hui la peau de bœuf ou de chèvre, la peau de requin présente de meilleures qualités sonores et d’usure. Mais il faut alors trouver la peau et celui qui saura la préparer, tresser les liens avec de la fibre de bourre de coco. Il faut tout étudier, pour obtenir la meilleure sonorité : le système des attaches, caller le nombre de trou dans la peau, la répartition pour que cette peau tendue fasse corps avec les points d’ancrage sur le bois. C’est un travail long, de plusieurs mois pour un grand pahu.

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Tambour des îles Marquises

Début du XIXe siècle

Bois, étoffe d’écorce, fibre de coco, peau, fibres végétales

H.: 112 cm

Lille, MHN: 990.2.1141

Acquis en 1850; ancienne collection Alphonse Moillet (Notter et al., 1997, p. 57-64).

Exemple extrêmement rare de tambour complet avec son enveloppe et ses attaches. Onze feuilles d’étoffe d’écorce non décorée placées verticalement entourent la caisse. Les motifs sont constitués par des fils de « trame » irréguliers en cordelettes noires et bruns/rouges de fibre de coco tressé. Une « ceinture » et une «jupe » sont constituées par six feuilles verticales d’étoffe d’écorce. Les huit pieds présentent des attaches en fibre de coco à la base et sont retenus sous la jupe par un cerceau en bois, auquel sont attachées les cordes verticales cachées qui tendent la peau de poisson. Il existe une cavité entre la caisse et la base creuse.

L’anthropomorphisme du tambour est ici évident et permet d’avancer l’hypothèse selon laquelle le tambour est considéré comme l’image d’un dieu faiseur de son. Un exemplaire comparable, mais en partie détérioré, a été décrit par Panoff (1995, p. 124).

In Arts et Divinités 1760-1860 Steven Hooper 2008

 

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Ce phénoménal objet est un tambour de 2,45 mètres de haut dont on ne connaît au monde qu’un seul autre exemplaire plus petit, conservé au musée de Tahiti. Doté d’une circonférence à la base de 45 cm, il est taillé d’une seule pièce dans un tronc de cocotier. La membrane est constituée d’une épaisse peau de requin, tendue par de grosses tresses en fibres de bourre de coco. Ces fibres sont fixées indirectement à la membrane, au moyen d’un laçage complexe de cordelettes plus fines, la technique utilisée étant typique des îles Marquises. Une belle tresse plate entoure le tambour vers sa base, venant maintenir les cordes de tension.

Il était utilisé au cours de cérémonies qui se déroulaient dans un espace nommé me’ae. Il s’agissait d’un lieu tabou dont l’accès était réservé aux prêtres et aux personnes de haute lignée. Il servait lors des célébrations des cérémonies funéraires au cours desquelles des sacrifices humains étaient pratiqués. Il était constitué de plusieurs terrasses en pierre entourées de statues, les tiki, représentations des ancêtres déifiés.

Le tambour, appelé pahu me’ae, était placé au pied d’une plate-forme. Les batteurs se tenaient sur la terrasse supérieure. Ils étaient accompagnés de tambours plus petits, de 1,60 mètre de haut, les pahu vanana, et de conques marines, les putona.

Ce magnifique tambour est un don fait au Muséum  de Grenoble en 1846 par Henri Murgier, alors juge suppléant au tribunal de Tahiti.  Il a été restauré en 2007 et est actuellement présenté au public dans la salle d’accueil du muséum. Karl von den Steinen en a publié une description dans Die Marquesaner und ihre kunst primitive Südseeornamentik (1925).

Pu toka, conque marine

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Shell trumpet. Marquesas Islands. Late eighteenth/early nineteenth centuries. Triton shell, human hair, bone, coir, gum. L 37.5 cm. Cambridge, CUMAA: 1922.1166. Donated 1922 by Louis C.G. Clarke; possibly from the Widdicombe House collection (also acquired by Clarke in 1922), and of Cook second-voyage provenance. This side-blown triton-shell trumpet (pu toka) is in exceptional condition, missing only the wood mouthpiece which was formerly gummed to the circular aperture. A bone toggle (po’o ivi) secures a large bunch of human-hair tassels. The hair may have functioned as a muffle, as well as a sacrificial memorial to a deceased relative – hair being cut off as a sign of mourning. Trumpets were used to summon, to signal and to mark specific ritual time periods. Pacific Encounters Art & Divinity in Polynesia 1760 – 1860 Steven Hooper THE BRITISH MUSEUM PRESS 2006

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