taha pe oko : lieu dangereux

taha-pe-oko.1214200003.jpg

     Les panneaux de signalisation sont rares aux Marquises mais depuis peu, un village qui se donne des airs de capitale organise le désordre dans les habitudes de ses automobilistes en plaçant le premier stop au coin de la rue.

     Pour les sens interdits, certains propriétaires de la voirie – privée sur une bonne partie du réseau – ont conservé une nette préférence pour la coutume. Une nuit, un jour, un énorme caillou placé au milieu de la piste vous barre la route, vous empêche de rentrer chez vous ou d’en sortir… tant que vous ne vous tracerez pas vous-même une autre voie en quelques heures avec un de ces gros engins de terrassement qui transforment en moins de deux un paysage et les relations de voisinage.

     Pas la peine de jeter un pavé dans la mare, pas la peine de tomber dans le panneau… là dans cette baie appelée Madre de Dios par les Espagnols en 1595, vous avez vu le panneau mais pourquoi donc un panneau DANGER, je vous le demande ?

     Les Marquisiens acceptent tous les risques de la vie sans broncher, et même avec enthousiasme et défi car ces risques sont le sel de leur existence. Que serait un quotidien sans danger pour un peuple fort et fier ?

     Les enfants de Vaitahu continuent leurs jeux au pied du panonceau, entre les cailloux de la rivière et le sable de la plage, sans pelle ni seau et personne n’y trouve rien à redire. La nuit venue, des adolescents les remplacent et restent assis des heures sur le muret qui limite la vague de ses assauts, et grillent des clopes d’herbe séchée sans que personne n’y trouve rien à redire.

     Alors ? Le panneau ? Est-ce pour rappeler aux Enata, les dangers venus de la mer il y a plus de quatre siècles?

Les tamanu centenaires de Hapatoni : chronique d’une mort annoncée

hapatoni-tamanu-2.1214107104.jpg

     Tout le long de l’allée « de la Reine » au centre du village de Hapatoni, l’ombre des dizaines de vieux et énormes troncs de tamanu de plus de 80 cm de diamètre déborde sur l’océan.

hapatoni-tamanu-3.1214107211.jpg 

     La voie royale pavée fut aménagée sur la digue construite sur les ordres de la reine Vaekehu II au XIXième siècle.

hapatoni-tamanu-4.1214107279.jpg 

     Cet alignement, planté par les anciens il y a plusieurs plus d’un siècle, offre une protection certaine du village contre les assauts de l’océan et lui donne un charme romantique qui est loin de déplaire au passant.

hapatoni-tamanu-7.1214107408.jpg 

     Cet alignement a été gravement endommagé en 2003 lors de la construction de la route en arrière du village et du quai. Des remblais plus ou moins chargés de sel ayant été entreposés à la base des arbres ainsi que toutes sortes matériaux de construction nocifs pour cet environnement (bidons de gasoil, sacs de ciment…) ont très probablement et du fait de leur poids et de leur toxicité, tout simplement asphyxié les racines. Plusieurs arbres, parmi ceux situés à proximité du quai, sont aujourd’hui morts ou en très mauvais état de santé. 

hapatoni-tamanu-6.1214107585.jpghapatoni-tamanu-1.1214107675.jpg      

     Au-delà de la tristesse de voir cette beauté à jamais détruite par l’insouciance des hommes, le sort de ces arbres est paradoxalement d’une ironique déconcertante quand l’intitulé  des travaux est ce que chacun peut lire inscrit au chapitre 2  de la DELIBERATION N° 2000-118 APF DU 12 OCTOBRE 2000 portant approbation du contrat de développement 2000-2003 : « Aménager le territoire en préservant l’environnement et en mettant en valeur les ressources naturelles (…préservation et la mise en valeur du patrimoine naturel…) » : 8.3.4 Créations et aménagements d’unités portuaires – Quai de Hapatoni 90 MFCP

hapatoni-tamanu-5.1214107774.jpg

Teaki ou quand l’écrit vint à la culture

teaki.1213601063.jpg

     La dernière lettre de Greg Dening invitant les jeunes marquisiens à écrire leur propre histoire est restée lettre morte.  Aucun d’entre eux ne participa aux concours d’écriture organisé par le Comité organisateur du Matava’a 2007 et pourtant dotés de 3000 euros de récompenses ! Aucun écrit en eo enana ne fut donc produit malgré les reports de clôture du dit concours.

     L’Académie marquisienne guère plus féconde n’a publié au cours de ces cinq dernières qu’un seul recueil de poèmes, œuvres des élèves des premiers et seconds degrés.

     « L’écriture serait  difficile pour certains convaincus qu’elle n’a rien de naturel, qu’elle est le fruit d’une histoire propre au monde occidental et asiatique. Leur problème est qu’il faille désormais vivre avec et s’adapter à grande vitesse alors que d’autres ont eu des millénaires… »  écrit une fidèle lectrice. (NDLR. Ce n’est qu’à partir de la fin du 19ième siècle que lecture et écriture devinrent un phénomène de masse conjointement à l’avènement  de l’ère européenne en Polynésie avec certes l’apport de l’écriture à travers le bible et les contrats commerciaux, etc. mais aussi en contre partie avec l’interdiction des langues maohi dans les écoles).

     « Même pour ceux qui ont  reçu une éducation française c’est toujours un effort malgré l’intérêt extraordinaire qu’ils en perçoivent  essentiellement dans leur travail mais c’est aussi quelque chose qui ne leur donnerait jamais de vraie satisfaction car ils pensent  avec certitude que d’autres feraient mieux et ils ne voient  pas ce que personnellement ils apporteraient  – de plus – aux Marquises, comme d’autres  déracinés certainement  qui  en permanence oscillent entre idéalisation, culpabilité, nostalgie, exaltation, découragement, fatalisme, complexes de toutes sortes – physiques, culturels, mauvaise conscience…  – tout cela les conduisant à ne rien faire et à se raccrocher aux échos multiples et d’ailleurs de plus en plus variés et intéressants qui font de ce territoire et de ses habitants un objet d’étude et de curiosité jamais démenti ! »

     Le manque d’estime de soi et l’inhibition que révèlent ces propos, sont des phénomènes bien identifiés par les psycholinguistes. Pour l’enfant de langue maternelle polynésienne, l’utilisation de sa langue en classe renforce son estime de soi et lui permet de se livrer à un travail intellectuel au cours d’activités menées dans une langue qui a du sens pour lui, dans laquelle il prend du plaisir, et en rapport avec la culture qui lui est la plus accessible 

     « Si la langue maternelle est bien la première expérience qu’un enfant fait du langage, alors le bon sens éducatif voudrait que cette expérience puisse être menée paisiblement à son terme, c’est-à-dire jusqu’à la stabilisation du développement du langage vers 7 ou 8 ans. Longtemps combattue dans l’école française au nom de l’unité de la République, cette idée gagne néanmoins du terrain face à l’évidence : la persécution des langues maternelles des enfants non-francophones est contre-productive parce que l’inhibition de la langue maternelle est une inhibition du langage en général, avec les conséquences attendues…» (Launey 2003).

     « Lorsque deux langues sont en contact, dont l’une est plus prestigieuse que l’autre, l’apprenant bilingue qui a pour première langue celle qui est la moins prestigieuse est confronté à une double contradiction : d’un côté, il éprouve à la fois de l’admiration (désir d’intégration : ex. le français, c’est la langue de la « réussite ») et de l’hostilité (peur d’assimilation : ex. le français, c’est la langue des Popaa) à l’égard de la langue prestigieuse, et de l’autre, il est attaché affectivement à sa première langue qu’il dévalorise. La valorisation conjointe des deux langues doit permettre à l’élève de sortir de cette double contradiction » (W. Lambert, 1977).

     Cette problématique hélas toujours actuelle et prégnante conduit la plupart des jeunes polynésiens à l’échec et maintient par ailleurs les écrivains marquisiens absents du monde littéraire  sauf dans le domaine de l’écriture des chansons (cf. Rataro par exemple).

     Teaki Dupont-Cochard, une jeune femme d’origine marquisienne, s’affranchit de toutes ces inhibitions et interdictions historiques qui anesthésient encore les consciences. Elle a écrit  un conte qui a été diffusé sur France musique du 9 au 13 juin 2008. Pour consulter son blog littéraire cliquez ici

     Teaki s’est  livrée à un travail d’écriture avec lequel elle a pris  royalement du plaisir, plaisir partagé par les auditeurs. L’imaginaire de la rate se dilate au-delà de l’Histoire jusqu’au point de non retour, le point final…. « Quand l’écrit vint, elle a souri  » dit le rat au roi !

     Puisse ce conte conduire la jeunesse marquisienne sur la voie des mots pour oublier les maux de tous les jours et la corvée journalière  du ramassage des feuilles qui ne sont point des feuilles d’écriture.

L’HISTOIRE VÉRIDIQUE ET AUTHENTIQUE DU DERNIER ROI DES ÎLES MARQUISES

[Adaptation et lecture : Véronique SAUGER – Musique traditionnelle polynésienne – Émissions réalisées par Périne Menguy avec le soutien du Fonds d’action SACEM] Ce conte peut être pendant quelques jours encore être écouté en cliquant ici sur le site de France-Musique (successivement sur les icônes du 9 au 13 juin).

Tea croit en l’avenir de la jeunesse de sa vallée

tea.1213584013.jpg

Tea croit en l’avenir de la jeunesse de sa vallée grâce à une nette amélioration de sa réussite scolaire. Il forme le vœu que la présence des enseignants inspire de nouvelles vocations professionnelles pour les enfants de Haakuti.

les-profs.1213584176.jpg

C’est la raison pour laquelle il a réuni les professeurs et le principal du collège de Ua Pou afin de les remercier pour leur travail et souhaiter à ceux qui s’en vont une retraite bien méritée.

Les parents avaient préparé en l’honneur de leurs invités un bon repas avec les mets marquisiens les plus fameux : pieuvre, poisson cru, manioc, fruit de l’arbre à pain…

danse.1213584706.jpgprofs.1213584313.jpg

Mais avant le dîner, deux jeunes filles ont présenté quelques danses puis ont invité leurs chers professeurs à suivre le rythme.

pas-de-danseurs.1213584886.jpg

Mais ceux-ci ne paraissaient eux non plus avoir progressé pendant tout ce temps passé aux Marquises.