Îles Marquises : Des mots sur les blessures, réflexions suite à « Instantanés du Monde » une émission radiophonique

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Instantanés du Monde, une émission radiophonique extraordinairement merveilleuse. Une voix sublime, une écriture poétique, une illustration sonore qui nous transporte instantanément. Mieux que l’image photographique qui cadre notre vision, la bande son nous fait humer la terre et ses senteurs végétales, entendre le chant des coqs, sentir l’âme des Marquises.

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Patrice Chef de danse à Hiva Oa

Le témoignage de Marie-Victoire, la grand-mère de Poe, est bouleversant. Ses réponses, ses silences, sa difficulté à trouver ses mots laissent transparaître les blessures jamais cicatrisées d’un peuple qui faillit disparaître au début du siècle dernier. Elle évoque sa vie au pensionnat de l’école Sainte-Anne à Hiva Oa où les filles étaient scolarisées afin d’être soustraites à l’inceste, et devenir de ferventes catholiques et par-dessus tout, des mères d’une généreuse fécondité. Les missionnaires avaient compris qu’ils n‘obtiendraient rien des garçons mais qu’ils réussiraient l’acculturation par la voie des filles. Son aïeule conserve apparemment un doux souvenir des heures passées à l’apprentissage des savoir-faire d’une civilisation aux antipodes de la sienne (Il y avait à Sainte-Anne une sœur d’origine allemande). Mais, elle semble avoir oublié la sévérité des méthodes de l’école des sœurs : les privations alimentaires, les corvées matinales auxquelles les pensionnaires ne pouvaient échapper, les châtiments corporels, les terreurs nocturnes, l’éloignement de leur famille dès le plus jeune âge, dès l’âge de six ans pour certaines. Un éloignement qui durait une année pour les Marquisiennes des autres îles de l’archipel, une année avant de pouvoir retourner sur l’île natale pour quelques semaines en famille, après un long voyage de plusieurs heures voire des plusieurs jours en baleinière. C’est ainsi que la population dévastée remonta ses effectifs grâce à la Mission et conjointement l’assistance sanitaire et persévérante du gouverneur, le Docteur Rollin.

Les plus petites familles comptèrent six, huit enfants tandis que la plupart en voyait naître entre douze et quinze et qu’un grand nombre de femmes mettaient au monde plus d’une vingtaine d’enfants, tous vivants.

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Fatuiva 1937 Photo prise par Thor Heyerdhal

Alors lorsque Poe essaie de retrouver les traces d’un passé disparu, perçoit-elle parmi toutes les violences subies, celle entre autres d’apprendre à manger assis à table avec une assiette et une fourchette lorsque les parents assis tailleur à même le sol en rond autour d’un plat central et unique saisissaient la nourriture avec les doigts ? Un exemple trivial direz-vous ? Manger avec les mains, danser pied nus le corps recouvert de végétaux sont des éléments identitaires de la culture marquisienne renaissante. Patrice, le fils, est le chef du groupe de danse qui représente Hiva Oa à chaque festival des Arts des Îles Marquises. La danse comme une thérapie corporelle pour se réapproprier sa langue maternelle nous dit Poe, la comprendre et surtout pouvoir la parler.

 

En écoutant Marie-Victoire, on entend sa résistance à la pratique de la langue française et on devine la pénibilité que fut pour elle l’apprentissage forcé de cette langue. Toutefois les Marquisiens restent très attachés à la France et à la religion catholique. Ils donnent des prénoms français à leurs enfants. Or à Tahiti, depuis une quinzaine d’année, les adultes manifestent une nette préférence pour leur prénom ma’ohi.

On pourrait se demander si aux îles Marquises, la population n’est pas victime du syndrome de Stockholm, son attachement à la France et à l’Eglise, autrement dit son identification à son agresseur, son envahisseur historique et occidental, lui offrirait pour un temps une possibilité de survie à l’enfer des années 1850-1920 ? Ce n’est pas si éloigné dans le temps, 1920 c’est quatre générations ; 1920 c’est à quelques années-près la naissance des arrières grands-parents de Poe.

On pourrait se demander aussi si parfois cette identification ne se retourne pas au contraire en une agression nouvelle contre la reconquête de la culture marquisienne ? Récemment il y a eu la dégradation du tiki de Upeke (une oreille détruite) et l’incendie de la pirogue de Nuku Hiva. Des symboles, des vestiges du passé sont détruits et drogues et alcools ne suffisent pas à éclairer ces actes.

Comment se penser à travers des statues que les ancêtres ont dû sous la contrainte détruire, comment jouer du tambour dans une église alors que les ancêtres ne devaient plus les faire résonner ?

 

« Comment puis-je apprendre leur langue maternelle aux enfants alors qu’il me fut interdit de la parler à l’école ? » me dit un jour un instituteur des îles Australes. C’était extrêmement douloureux pour lui.

Pour un historique de l’école des sœurs, lire l’article de Patrick Chastel

Marquises : Les « filles de Saint Joseph » et la terre des hommes (Patrick Chastel)

La congrégation des Sœurs de Saint Joseph de Cluny fêtera son 200ème anniversaire le 12 mai 2007. Deux cents ans donc qu’Anne-Marie Javouhey, dont le nom, au travers des différents établissements scolaires, est devenu indissociable de l’histoire du territoire, fondait la première communauté avec trois de ses sœurs et cinq compagnes.

Ce bicentenaire sera commémoré partout dans le monde tellement l’œuvre missionnaire de la congrégation aura été importante au cours de ces deux derniers siècles.

De nombreuses manifestations sont prévues en Polynésie, elles s’achèveront par une messe d’action de grâces célébrée par Monseigneur Hubert Coppenrath en l’église Maria no te Hau.

 

Patrick Chastel, qui a enseigné pendant quinze ans l’histoire et la géographie au collège Sainte Anne d’Atuona à Hiva Oa, nous retrace ici l’historique de l’implantation des Sœurs de Saint Joseph de Cluny aux îles Marquises.

 

En mai 1842, l’amiral Abel Dupetit-Thouars, après avoir obtenu la signature des chefs des principales vallées, prend possession, au nom du roi de France Louis-Philippe, des six îles habitées de l’archipel des Marquises. La terre des hommes, te fenua enata, devient ainsi la toute première colonie française du Pacifique.

La Reine-Blanche, le navire de Dupetit-Thouars poursuit ensuite sa route jusqu’à Tahiti où la reine Pomare IV accepte le 9 septembre 1842 de placer son île sous le protectorat de la France.

 

Dès l’année suivante, en 1843, l’amiral Roussin, ministre d’Etat de la Marine et des Colonies, se permet de contacter directement Mère Anne-Marie Javouhey afin que les îles Marquises puissent profiter de l’action des Sœurs de la congrégation de Saint Joseph de Cluny.

Cette congrégation a été créée le 12 mai 1807 par Anne Javouhey, âgée seulement de 28 ans. L’œuvre missionnaire n’a réellement débuté qu’en 1817 avec le départ de quatre Sœurs pour l’île de la Réunion puis ce sera le Sénégal où les Sœurs s’occupent à la fois de l’école et de l’hôpital avant que des communautés religieuses s’installent progressivement aux Antilles, en Guyane et jusqu’en Inde. Le travail des Sœurs de Cluny, leurs actions et leurs bienfaits, sont unanimement reconnus, c’est pourquoi le ministre n’hésite pas à leur demander de rallier maintenant le Pacifique et ces îles qui viennent tout juste de devenir françaises.

 

Le 4 août 1843, le navire La Charte, commandé par le capitaine Charles Penaud, appareille de Brest. A son bord, se trouvent les Sœurs Régis Flechel, Bruno de Monlas, Ignace Chamleau et Joséphine Moureau.

Le voyage, avec la traversée de l’Atlantique, la navigation le long des côtes argentines avant d’affronter le terrible passage du Cap Horn, va durer six mois. Après les îles Gambier, le navire fera escale dans la baie de Vaitahu sur l’île de Tahuata avant de se rendre à Taiohae, la vallée principale de Nuku Hiva. Mais le capitaine refuse de laisser les Sœurs comme cela, pour ainsi dire à l’abandon dans un endroit qu’il juge hostile, et décide de poursuivre sa route jusqu’à Tahiti afin qu’elles puissent rencontrer le gouverneur Bruat, le seul pouvant prendre des décisions concernant les Marquises.

Ces toutes premières « filles de saint Joseph » en Polynésie resteront en fait à Tahiti où, installées dans ce qui deviendra plus tard l’hôpital Vaiami, elles s’occuperont essentiellement de soigner des malades.

 

En juin 1847, deux sœurs, les sœurs Boyer, Sœur Marcelline et Sœur Sophronie, quittent Tahiti en direction des îles Marquises. Elles ouvrent une école à Vaitahu, la plus grande vallée de l’île de Tahuata. Malheureusement cette première tentative échouera car, un an plus tard, en septembre 1848, elles sont contraintes d’évacuer l’île en urgence suite à une guerre avec les tribus de Hiva Oa. Elles embarquent, en compagnie de Monseigneur Baudichon, sur le Cincinatti, un navire baleinier de passage dans l’archipel.

 

Il faut attendre ensuite l’année 1863 pour que le Commandant Commissaire Impérial de la Richerie approuve la décision d’ouvrir une école des Sœurs à Taiohae ainsi qu’une école de garçons tenue par les Frères de Ploërmel.

En mars 1864, les Sœurs Mélanie Jarrier, Lazarine Villemain, Félicité Soulier et Anne-Marie Vigroux s’installent à Taiohae. Elles vont rapidement compter quatre-vingt élèves dans l’école et continueront à dispenser leur enseignement durant de nombreuses années.

 

En 1880, l’amiral Bergasse Dupetit-Thouars, neveu de celui qui avait pris possession de l’archipel, écrivait en parlant des Sœurs de Cluny : « Je n’ai pu encore recevoir de réponse … à la demande que j’ai faite à ces dames pour monter une école à Hiva Oa … je la renouvellerai avec insistance. »

C’est ainsi que le jour de Noël 1885, les Sœurs Saint-Prix de Moindrot, Sainte Aldegone Jeanjean, Françoise Payot et Apolline-Marie Artus débarquent d’un vapeur en escale à Atuona. Elles arrivent de Californie après avoir effectué la traversée Le Havre – New York en bateau et celle des Etats-Unis en train.

On imagine les péripéties rencontrées au cours d’un tel voyage à une époque où les guerres indiennes ne sont pas terminées, elles ne le seront en effet qu’en 1890 après le massacre des Sioux par l’armée américaine à Wounded Knee.

 

Dès leur arrivée, les quatre Sœurs se mettent au travail et l’école Sainte Anne ouvre presque immédiatement. Rapidement on enregistre l’inscription de 60 élèves.

Les effectifs vont ensuite augmenter régulièrement. On note 113 élèves en 1886, 124 en 1887, 153 en 1888, 226 en 1889, 210 en 1893.

 

Mais les lois sur la laïcisation et la séparation de l’Eglise et de l’Etat n’épargneront pas les îles Marquises et provoqueront la fermeture des écoles de la  Mission au tout début de l’année 1905.

Commence alors l’une des périodes les plus dramatiques de l’histoire de l’archipel au cours de laquelle on va frôler l’extinction de la race marquisienne.

Les premiers navigateurs estimèrent la population à environ 50 000 habitants, le  recensement de 1842 ne fait plus état que de 20 200 personnes, ce chiffre ne cessera de baisser pour arriver à 6 011 habitants en 1874, 4 279 en 1897, 3 317 en 1902. Le creux de la vague se situera en 1921 où il ne restera que 2094 personnes sur les six îles de l’archipel.

 

Dans le même temps, la fermeture des écoles catholiques entraîne une autre catastrophe. L’inspecteur des Colonies Revel écrit en 1914 : « Tout est à refaire en matière d’instruction », … « il n’y a plus d’écoles aux Marquises ». En 1920, l’inspecteur Henri est, quant à lui, catégorique : « L’enseignement peut être considéré aux Marquises comme inexistant ».

 

Il faudra attendre mai 1923 pour qu’un contrat soit enfin signé entre le gouverneur Rivet et Monseigneur Le Cadre, contrat qui donnera l’autorisation pour l’ouverture d’un « internat-préventorium » à Atuona prévoyant que « la durée de l’enseignement est fixée au minimum à 15 heures par semaine pour l’enseignement proprement dit et à 5 heures pour l’enseignement ménager. ».

L’article suivant précise : « Les vacances à l’extérieur de l’internat sont supprimées pour les filles ayant plus de 10 ans. ».

L’internat de l’école Sainte Anne va donc, par cette mesure, participer grandement au renouveau de la population marquisienne en protégeant et en éduquant les adolescentes, « enfermées » pour leur bien dans le « papua virikine », l’enclos des Sœurs, comme on l’appelait à cette époque. Une appellation qui est depuis passée dans le langage courant.

 

Ainsi, dans son rapport de 1929, l’inspecteur des Colonies Moretti n’hésite pas à affirmer que le pensionnat de jeunes filles d’Atuona contribue « au sauvetage et à la conservation de la race en préservant les fillettes qui ne sont rendues à leurs familles qu’à l’âge où l’on peut les marier ». Il précise même : « depuis l’ouverture de l’internat, 38 jeunes filles en sont sorties, qui avaient dépassé l’âge de 15 ans, 14 se sont mariées légitimement, 6 autres vivent maritalement ; ces 20 jeunes femmes ont eu 20 enfants dont 18 sont encore vivants ».

Déjà, en 1903, l’inspecteur général Salles louait, dans son rapport, le travail effectué par les Sœurs de Saint Joseph de Cluny ainsi que l’importance de l’internat pour la sauvegarde morale et matérielle des jeunes Marquisiennes.

 

L’école Sainte Anne va donc officiellement rouvrir ses portes le 24 août 1923, avec à sa tête Sœur Eléonore.

Dès 1924, une soixantaine de filles vivront à l’internat de l’école Sainte Anne, un chiffre qui au fur et à mesure des années dépassera la centaine.

Les premières diplômées marquisiennes vont faire leur apparition. Entre 1932 et 1940, vingt filles obtiennent le Certificat d’Etudes local et deux autres le Certificat d’Etudes métropolitain.

En 1947, arrive par la goélette Vaitere une toute jeune directrice, Sœur Rose n’a en effet que 22 ans, elle prend la tête de l’école qui compte 3 classes tandis que l’internat loge 78 pensionnaires. Soixante ans plus tard, Sœur Rose est toujours à Atuona et continue de s’occuper des élèves lors des études du soir.

Durant l’année scolaire 1963-1964, sous la direction de Sœur Emmanuel, le collège Sainte Anne voit officiellement le jour avec l’ouverture d’une classe de sixième.

En 1968, les meilleurs élèves obtiennent le BEPC puis, un an plus tard, le Brevet Elémentaire, diplôme aujourd’hui disparu, et deviennent les premiers instituteurs et institutrices de l’archipel.

A l’époque, les épreuves du BEPC se déroulaient à Taiohae sur l’île de Nuku Hiva en présence d’une Commission d’Examen composée de professeurs du lycée Paul Gauguin venus tout spécialement de Tahiti.

 

L’internat des Sœurs, le papua virikine, ouvert il y a maintenant 120 ans, tout comme l’école et le collège Sainte Anne sont devenus de véritables institutions aux îles Marquises ce qui explique que les jeunes filles internes continuent d’être originaires des six îles de l’archipel. Après les mamau, ce sont les mamans qui ont été élevées par les Sœurs et elles souhaitent que leurs enfants reçoivent la même éducation.

 

Sources :

« Marquises », ouvrage collectif, CRDP, Tahiti, 1996

« Les îles Marquises, archipel de mémoire », ouvrage collectif, Éditions Autrement, Paris, 1999

« Les îles Marquises », Michel Bailleul, Ministère de la  Culture, Tahiti, 2001

« Te fenua enata, la terre des hommes. Chroniques des îles Marquises », Patrick Chastel, Éditions Au Vent des Iles, Tahiti, 2004

copyright :

http://www.des.pf/itereva/pedagogie/index.php/ressources/370-ressources-locales/2307-les-surs-de-la-congregation-st-joseph-aux-marquises-1843

Marquises : Décès de Mgr Le Cleac’h, ancien évêque de Taiohae

Le diocèse de Taiohae ou Tefenuaenata communique le décès, survenu à l’hôpital de Tahiti le 13 août 2012, à l’âge de 97 ans, de Monseigneur Hervé-Marie Le Cléac’h, ancien évêque de Taiohae (îles Marquises) de 1970 à 1986.
Mgr Le Cléac’h était membre de la Congrégation des Sacrés-Cœurs (Picpus)

Son corps sera transféré aux îles Marquises dans les jours prochains.
Les obsèques seront célébrées le samedi 18 août à la cathédrale de Taiohae.

 

† Guy Chevalier

évêque de Tefenuaenata

 

 

Mgr Hervé-Marie Le Cleac’h, par Mgr. Guy Chevalier, évêque de Tefenuaenata, extraits

Son nom marquisien est « Teikimeiteaki a Punatete » le prince qui vient du ciel

Une jeune femme de 35 ans déclarait: « quand je suis venue à Tahiti pour faire mes études, (vers 1974) j’avais honte comme les autres Marquisiens, de parler marquisien et de montrer que j’étais marquisienne. Maintenant je suis fière d’être

marquisienne et de le montrer. »
Cette remarque en dit long sur le complexe lourd et injuste que portait tout un peuple à 1.500 km de Tahiti.

Ce sera l’oeuvre de Monseigneur Hervé de percevoir d’emblée les valeurs, les richesses, les qualités insoupçonnées du peuple marquisien puis de les développer pour rendre à un peuple sa fierté et sa dignité…

Quelques mois après son arrivée, il déclare au presbyterium du 25 novembre 1971:
 » Que la Mission soit présente et active dans l’effort de création de la culture marquisienne nouvelle… L’Eglise se doit de maintenir l’usage de la langue Marquisienne et d’éveiller la jeunesse, à la connaissance et à l’estime de son histoire passée.


La liturgie s’efforcera d’être bilingue: marquisien et français. La catéchèse exige la publication de la Bible en Marquisien, à tout le moins, le Nouveau Testament. L’initiation à la Foi et l’enseignement du catéchisme se fera en Marquisien jusqu’à l’âge de 10 ans…


La sculpture est une richesse artisanale de l’archipel, le plus typique de la Polynésie. Il faut faire appel à cet art dans la décoration et l’adaptation de nos églises et chapelles
. »
Dès le départ on voit sa conviction qui est une route à suivre et tout un programme de vie.

Copyright : http://www.eglise.catholique.fr/actualites-et-evenements/actualites/deces-de-mgr-le-cleac-h-ancien-eveque-de-taiohae-14806.html

 

Lettre des Marquises de F. Caret miss.apost., Vaitahu le 1er mars 1839

 En ce début d’année 1839, la voilure toute blanche d’une goélette glissait vers le nord. Mgr Rouchouze, premier évêque d’Océanie se dirigeait sur l’archipel des îles Marquises Il avait pris avec lui sept jeunes missionnaires. Leur Supérieur et Préfet apostolique était le P. Caret, un Breton à l’œil ardent. La « petite troupe » comptait deux autres Bretons : le P. Ernest Heurtel, de Saint-Brieuc ; le P. Mathias Gracia, des environs de Rennes ; un Normand de l’Orne, le P. Potentien Guilmard ; un Mayennais de Laval, le P. Saturnin Fournier ; un Tourangeau, le P. François de Paule Baudichon et le Frère coadjuteur Ladislas Ruault, de l’Ille-et-Vilaine. Les plus âgés n’avaient pas quarante ans ; le plus jeune en avait vingt-six à peine, tous animés de la même décision apostolique. De l’archipel qu’ils allaient conquérir à la foi, ils ne savaient que de peu de choses. La préoccupation de l’évêque et de ses compagnons s’en allait vers leurs trois confrères arrivés à Vaitahu six mois plus tôt… Le 3 février, dans la nuit, les missionnaires en robe blanche découvraient les masses sombres de la hautaine île Tahuata dévalant en gorges étranglées jusqu’aux rivages*.

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In Annales de la Propagation de la Foi Tome 12 Janvier 1840 pages 92-94

*Secrets, candeurs et ferocites de cannibales : Aux iles Marquises / R.P. Mouly Dalmas ; illustrations de P. Clouet – Paris : Editions de l’Arc, 1949

Marquises : île de Ua Pou, chapelle de Hohoi, la fresque de Garrick Yrondi

     Après une formation aux Beaux-Arts de Naples, Garrick Yrondi s’installa aux Marquises où il vécut pendant plusieurs années en harmonie avec la Terre des Hommes, pêchant et chassant, s’émerveillant à chaque instant de la beauté des îles et de la grande générosité de l’accueil marquisien. Il a réalisé cette fresque « L’Annonce faite à Marie » dans la chapelle de Hohoi à Ua Pou, œuvre que l’artiste semble-t-il offrît à la communauté. Les habitants du village (qui n’étaient que 49 à ce moment-là) peuvent se reconnaître dans les scènes de la vie quotidienne tels ces deux pêcheurs qui reviennent portant au bout de leur rame, des grappes de poissons… « C’est mon grand-père, le deuxième, il est toujours vivant » me confie une jeune adolescente heureuse du plaisir que j’ai à découvrir ce tableau magnifique caché au fond d’une vallée, totalement ignoré des touristes, comme uniquement réservé au recueillement. Elle se souvenait de l’artiste et de sa présence dans la vie du village à l’époque de la création de la fresque, mais elle avait oublié son nom. Garrick Yrondi vit actuellement à Bora Bora.

Correspondance (mai 2006) avec l’auteur de la fresque :

J’ai été ému et admiratif lorsque j’ai découvert cette œuvre à Hohoi. Les jeunes gens de là-bas, la première fois que je les ai rencontrés, ne pouvaient se rappeler votre nom. Récemment c’est le tumu pure qui m’a renseigné correctement.

En fait j’aurais dû penser à vous  puisque j’ai souvent vu vos œuvres à la Galerie Winkler à Papeete, plus particulièrement vos grands découpages en 2002.

Votre œuvre dans l’église de Hohoi m’a renvoyé à Cocteau, à la chapelle qu’il avait décorée dans le midi de la France !

Il y  si peu de touristes (du cargo Aranui et du paquebot Gauguin) qui connaissent cette fresque à Hohoi. Qu’en pensez-vous ? Peut-être que cela vous laisse indifférent.

Les enfants de Ua Pou ont là quelque chose d’admirable à voir pour découvrir l’art.

La petite église de Hohoi va être agrandie car il y a maintenant presque 80 habitants dans le village, la fresque sera  totalement conservée puisque c’est du côté de la rivière que l’extension se fera, du côté du mur où il n’y a aucune fresque.

Je vous remercie de l’attention que vous portez à ce message  et sincères salutations.

Réponse de l’artiste :

     C’est avec une joie dense que j’ai parcouru votre blog ; cela m’a ramené à ma dernière année passée aux Iles Marquises.

     La réalisation de cette fresque à pris trois mois, une aventure initiatique, qui m’a fait comprendre la magie qu’opère l’image, quand on n’a rien ! Et l’apaisement que donne la parole devant un milieu aussi elliptique que peuvent être les îles Marquises.

     Je dois cela, au discernement de Monseigneur Le Cleac’h qui était venu me rendre visite dans l’atelier que j’avais à l’époque à Taiohae.

     Les fresques ont bien failli disparaître… A la demande de Monseigneur  Le Cleac’h ,je suis allé les restaurer en 2001.

     Monseigneur était désireux que je décore la grande église de Hakahetau, j’attends depuis que le père Michel se prononce, peut être a-t- il d’autres intérêts…

     Ua Pou est l’île que je préfère, elle me donne de l’énergie ; Hohoï m’est nécessaire quand je suis dans le creux de la vague. Je la vois Jaune et la population si nous l’écoutons parler a un accent chantant…

     Bien sûr, ma vanité n’est pas satisfaite par l’ignorance que portent les touristes quand ils visitent l’île. Mais ce n’est pas le but que je recherche.

     Je vois cela comme une mission ; et puis il faut vous dire que les Marquises ont été un parcours qui m’a initié, pour me donner une vue de l’esprit qui répond à mes interrogation profondes. Voilà,

     Merci pour l’intérêt que vous apportez à mon travail, et peut être, je le souhaite, à sortir de l’oubli cette image  d’une histoire qui dure depuis des siècles…

     Cordialement. Garrick Yrondi le 28 mai 2006.