https://www.arte.tv/fr/videos/105747-003-A/le-tatouage-l-histoire-des-marquises-dans-la-peau/
Catégorie : Us & Coutumes
Les Marquises, au-delà du mythe- Tout un monde : Marie-Hélène Fraïssé – France Culture
Îles Marquises : Des mots sur les blessures, réflexions suite à « Instantanés du Monde » une émission radiophonique
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Pour les deux articles du blog de cette émission à Upeke, cliquez ici puis là.
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Instantanés du Monde, une émission radiophonique extraordinairement merveilleuse. Une voix sublime, une écriture poétique, une illustration sonore qui nous transporte instantanément. Mieux que l’image photographique qui cadre notre vision, la bande son nous fait humer la terre et ses senteurs végétales, entendre le chant des coqs, sentir l’âme des Marquises.
Patrice Chef de danse à Hiva Oa
Le témoignage de Marie-Victoire, la grand-mère de Poe, est bouleversant. Ses réponses, ses silences, sa difficulté à trouver ses mots laissent transparaître les blessures jamais cicatrisées d’un peuple qui faillit disparaître au début du siècle dernier. Elle évoque sa vie au pensionnat de l’école Sainte-Anne à Hiva Oa où les filles étaient scolarisées afin d’être soustraites à l’inceste, et devenir de ferventes catholiques et par-dessus tout, des mères d’une généreuse fécondité. Les missionnaires avaient compris qu’ils n‘obtiendraient rien des garçons mais qu’ils réussiraient l’acculturation par la voie des filles. Son aïeule conserve apparemment un doux souvenir des heures passées à l’apprentissage des savoir-faire d’une civilisation aux antipodes de la sienne (Il y avait à Sainte-Anne une sœur d’origine allemande). Mais, elle semble avoir oublié la sévérité des méthodes de l’école des sœurs : les privations alimentaires, les corvées matinales auxquelles les pensionnaires ne pouvaient échapper, les châtiments corporels, les terreurs nocturnes, l’éloignement de leur famille dès le plus jeune âge, dès l’âge de six ans pour certaines. Un éloignement qui durait une année pour les Marquisiennes des autres îles de l’archipel, une année avant de pouvoir retourner sur l’île natale pour quelques semaines en famille, après un long voyage de plusieurs heures voire des plusieurs jours en baleinière. C’est ainsi que la population dévastée remonta ses effectifs grâce à la Mission et conjointement l’assistance sanitaire et persévérante du gouverneur, le Docteur Rollin.
Les plus petites familles comptèrent six, huit enfants tandis que la plupart en voyait naître entre douze et quinze et qu’un grand nombre de femmes mettaient au monde plus d’une vingtaine d’enfants, tous vivants.
Fatuiva 1937 Photo prise par Thor Heyerdhal
Alors lorsque Poe essaie de retrouver les traces d’un passé disparu, perçoit-elle parmi toutes les violences subies, celle entre autres d’apprendre à manger assis à table avec une assiette et une fourchette lorsque les parents assis tailleur à même le sol en rond autour d’un plat central et unique saisissaient la nourriture avec les doigts ? Un exemple trivial direz-vous ? Manger avec les mains, danser pied nus le corps recouvert de végétaux sont des éléments identitaires de la culture marquisienne renaissante. Patrice, le fils, est le chef du groupe de danse qui représente Hiva Oa à chaque festival des Arts des Îles Marquises. La danse comme une thérapie corporelle pour se réapproprier sa langue maternelle nous dit Poe, la comprendre et surtout pouvoir la parler.
En écoutant Marie-Victoire, on entend sa résistance à la pratique de la langue française et on devine la pénibilité que fut pour elle l’apprentissage forcé de cette langue. Toutefois les Marquisiens restent très attachés à la France et à la religion catholique. Ils donnent des prénoms français à leurs enfants. Or à Tahiti, depuis une quinzaine d’année, les adultes manifestent une nette préférence pour leur prénom ma’ohi.
On pourrait se demander si aux îles Marquises, la population n’est pas victime du syndrome de Stockholm, son attachement à la France et à l’Eglise, autrement dit son identification à son agresseur, son envahisseur historique et occidental, lui offrirait pour un temps une possibilité de survie à l’enfer des années 1850-1920 ? Ce n’est pas si éloigné dans le temps, 1920 c’est quatre générations ; 1920 c’est à quelques années-près la naissance des arrières grands-parents de Poe.
On pourrait se demander aussi si parfois cette identification ne se retourne pas au contraire en une agression nouvelle contre la reconquête de la culture marquisienne ? Récemment il y a eu la dégradation du tiki de Upeke (une oreille détruite) et l’incendie de la pirogue de Nuku Hiva. Des symboles, des vestiges du passé sont détruits et drogues et alcools ne suffisent pas à éclairer ces actes.
Comment se penser à travers des statues que les ancêtres ont dû sous la contrainte détruire, comment jouer du tambour dans une église alors que les ancêtres ne devaient plus les faire résonner ?
« Comment puis-je apprendre leur langue maternelle aux enfants alors qu’il me fut interdit de la parler à l’école ? » me dit un jour un instituteur des îles Australes. C’était extrêmement douloureux pour lui.
Pour un historique de l’école des sœurs, lire l’article de Patrick Chastel
Buveurs de kava par Patricia Siméoni et Vincent Lebot aux Editions Géo-consulte
Un ouvrage pluridisciplinaire (botanique, génétique, culture, agriculture, économie, pharmacologie, chimie et surtout géographie) qui présente le kava du Pacifique sous tous ses aspects en 361 pages, 77 cartes et figures, 415 photos couleurs, avec plus de 500 références bibliographiques et des décennies d’expérience du terrain.
Quatrième de couverture : Le kava est un trait culturel majeur du Pacifique insulaire dans la mesure où il le distingue du reste du monde. Il existe là et nulle part ailleurs. Il est le dénominateur commun aux Mélanésiens, Polynésiens et Micronésiens qui le cultivent, le transforment et le boivent selon leurs préférences culturelles. Cette plante emblématique d’une vaste zone géographique est aussi l’expression d’identités locales diverses. Le kava est une porte d’entrée de choix pour aborder la complexité des îles du grand océan, il est aussi au cœur de l’évolution de ses sociétés. Tant pour son rôle dans l’histoire des îles du Pacifique que pour celui qu’il joue dans le monde moderne, il n’est pas excessif de présenter les peuples qui le chérissent comme ceux de la grande civilisation du kava.
Beau livre, format A4, relié et cousu, couverture cartonnée, en série limitée
Prix 50 euros + frais postaux
Pour plus d’informations contactez geo-consulte@vanuatu.com.vu
Kava hemi wan stamba kastom blong yumi long Vanuatu mo long ol narafala kaontri long Pacifik. Be naoia, kava hemi wan prodakt we ol fama blong Vanuatu ol i stap salem from i gat bigfala maket long ples ia mo long ol narafala kaontri. Long saed long ekonomi blong Vanuatu, kava hemi namba wan krop blong winim vatu taem yumi addemap, local mo expot markets. Yumi save talem se fulap pikinini ol i go long skul tudei from papa mo mama i winim vatu wetem Kava. Naoia, i gat bigfala danga we ol i save spoilem fiuja blong kava. Long Europe ol i banem finis. Problem ia i stap from kwaliti blong hem i stap go daon big wan. Patricia Siméoni wetem Vincent Lebot ol i writem wan buk long Kava blong explenem long Wold kava hemi wanem mo yumi mas controlem kwaliti mo fiuja blong hem olsem wanem. Official celebresen long buk ia i tekem ples long Mandei namba 14 long 16:30 long VKS.
Le kava est une ancienne coutume du Vanouatou et des autres pays du Pacifique. Mais de nos jours, le kava est un produit très vendu sur le marché local et à l’exportation. D’un point de vue économique, il s’agit de la principale culture de rente du pays, lorsqu’on additionne les marchés locaux et à l’exportation. On peut dire que beaucoup d’enfants continuent d’aller à l’école parce que leurs parents plantent du kava. Il existe désormais de réels dangers qui pourraient perturber l’avenir de cette filière. Le kava a déjà été interdit en Europe. Le problème vient de la qualité qui décline. Patricia Siméoni et Vincent Lebot ont écrit un livre sur le kava pour expliquer au niveau international comment il faudrait contrôler la qualité du kava pour assurer son avenir. Un lancement officiel du livre aura lieu le lundi 14 à 16:30 au VKS.
Kava is an ancient custom of Vanuatu and other countries in the Pacific. However, nowadays, kava is an important product sold on local as well as export markets. From an economical point of view, kava is by far the first cash crop for farmers when revenues from local and foreign markets are added. We can say that many children continue to go to school because their parents continue to grow and earn money from kava. There are unfortunately some dangers which could spoil the future of this industry. Kava is already banned in Europe. The problem comes from the declining quality. Patricia Siméoni and Vincent Lebot have written a book on kava to explain at the international level, how we should control quality to secure its future. The official launching of the book will take place Monday April 14th at 16:30 at the VKS.
Géo-consulte Boîte Postale 946, Port-Vila, Vanouatou
Tel : (678) 25 146 Mobile : (678) 77 6 55 44
Courriel : patricia@vanuatu.com.vu
Blog : http://geoconsulte.unblog.fr/
Dictionnaire des symboles & des significations du tatouage polynésien des îles Marquises (Teiki Huukena)
L’auteur :
Teíkitevaámanihií Robert Huukena dit Teiki est un Tuhuka Patutiki (tatoueur marquisien). Il est issu d’une grande famille d’artiste de Nuku-Hiva. Son amour pour ses ancêtres et sa passion pour l’art du Tiki (image), en particulier le Patutiki. l’ont poussé à faire des recherches plus approfondies, en redessinant et en classant chaque symbole du tatouage marquisien afin de mieux vous livrer ses significations et rendre enfin accessible à tous, sa compréhension.
Par ce travail il souhaite rendre hommage à sa terre natale Te Henua Enana (les îles Marquises) et à ses ancêtres les Tupuna.
Extrait de la préface :
« … Il faut toute la passion et la patience d’un Marquisien d’aujourd’hui, comme Teiki Huukena, pour vouloir comprendre en même temps que redessiner chacun des principaux relevés et leur redonner un sens proche par l’esprit de ceux qui présidaient à leur utilisation.
Il n’est pas question de recréer exactement ce qui s’est fait par le passé. La situation n’est plus du tout la même et bien des informations ont disparu à jamais. Dans ce travail, le souci de Teiki Huukena, membre d’une famille réputée pour son talent artistique et sa pugnacité, est de rendre accessible à tous, ces dessins qui avaient un sens, une valeur, une fonction… Il souhaite que les tracés soient clairs et veut éviter une des dérives actuelles qui est que leur signification ne soit complètement réinventée en fonction de l’inspiration ou de la fantaisie de chacun. L’idée est d’approcher le plus possible, par une définition simple, de ce que les anciens ont accepté d’en dire à ceux qui eurent la patience de prendre un crayon et un papier pour la noter !
Beaucoup de gens ne souhaitent pas passer trop de temps dans des livres très documentés… Ils veulent approcher vite un résultat attendu, souvent principalement esthétique, sans oublier cependant que l’image parle au regard…
Il faut assumer ce sens et donc déjà le connaître… C’est un des buts de ce livre :
donner le sens symbolique probable du tracé tout en sachant que, la plupart du temps, les significations étaient complexes et qu’il est impossible, en quelques mots, de rendre toutes les composantes de ces significations. Il y a donc forcément une part d’inconnu et de fragmentaire, dans ces courtes définitions, mais c’est aussi le fruit de l’Histoire de chaque peuple… Aucun n’a pu préserver l’intégralité de l’héritage de ses pères : les haines et la guerre en sont souvent la cause… Il faut en être conscient et, si possible, en tirer une leçon.
Éduquer et transmettre un savoir à ceux qui s’y intéressent est une des belles choses dont on peut être fier.
Teiki Huukena s’y est employé et c’est pour cela, qu’à notre petite échelle, nous sommes heureux de l’accompagner… ! » Pierre et Marie-Noëlle Ottino-Garanger anthropologue et docteur en archéologie préhistorique et chercheur à l’IRD ( Institut de Recherche pour le Développement )
Te ùmuhei : le bouquet odoriférant des Marquises
Les éditions des Mers Australes publient un ouvrage consacré à l’une des plus anciennes traditions de l’archipel des Marquises : « Te ùmuhei, le bouquet odoriférant ». Depuis des générations, cette tradition se perpétue de mère en fille, particulièrement sur l’île de Fatu Iva.
Ce livre – réalisé grâce à l’initiative de l’Académie marquisienne qui a collecté le savoir-faire des Mama de l’association Te Heikuà O Te Vehine – présente en photos les différentes plantes entrant dans la composition de ces bouquets, ainsi que la façon de les réaliser.
Cet ouvrage est accompagné d’un disque audio sur lequel sont enregistrés le texte intégral du livre en langue marquisienne et les chansons exécutées lors de la fabrication des bouquets. Les textes sont en français, avec en petits caractères, le texte original marquisien correspondant à la version enregistrée.
Ce livre existe aussi uniquement en langue marquisienne : « Un don pour les générations futures, afin qu’elles puissent garder en mémoire toutes les richesses de nos traditions transmises par nos anciens depuis la nuit des temps » précise Toti Teikiehuupoko, le Président de Te Pu Tuhuna Eo Enata, l’Académie marquisienne co-éditrice de l’ouvrage.
ISBN 9782905808332 Reliure cousue, couverture cartonnée, 74 pages, 210x150mm, 2010
Le drapeau de l’archipel des Marquises ; Flag of the Marquesas

Le drapeau des Marquises, de ratio 2:3, est divisé horizontalement jaune-rouge (1:1) avec un triangle blanc placé sur le pont élévateur et s’étendant sur la moitié de la longueur du pavillon. Un tiki noir est placé dans le triangle. Les couleurs prescrites sont le rouge Pantone 185C, le jaune Pantone 111C, le noir Pantone 8C.
Les trois couleurs et la tête d’un « tiki » représentent ce à quoi sont attachés les Marquisiens. Le blanc est le symbole de la paix et le tiki avec les yeux ouverts est caractéristique de la culture des Marquises. Le jaune fait référence directement à la teinte du « Eka », dont les hommes et les femmes de l’archipel s’enduisaient le corps, lors des cérémonies festives. Le rouge était réservé aux symboles de la royauté marquisienne
Le drapeau des îles Marquises a été soulevée pour la première fois le 14 Décembre 1980, à l’ouverture de l’aéroport de Nuku Hiva, et a été régulièrement utilisé depuis 1994. Une version simplifiée, sans le dessin du tiki, est parfois utilisé.
Le décret du 4 Décembre 1985 du gouvernement territorial, portant règlement de l’affichage du drapeau de la Polynésie française prévoit que les drapeaux des archipels et des îles de la Polynésie française peuvent flotter avec le drapeau territorial et le drapeau national.

Flag of the Marquesas
The flag of the Marquesas Islands was first raised on December 14, 1980, upon the opening of the airport on Nuku Hiva, and has been regularly used since 1994. A simplified version, without the tiki design, is sometimes flown. The Territorial Government decree of 4 December 1985 governing the display of the flag of French Polynesia stipulates that the flags of the archipelagos and islands of French Polynesia may be flown next to the Territorial and National flags.
The flag of the Marquesas, of ratio 2:3, is horizontally divided yellow-red (1:1) with a white triangle placed along the hoist and stretching over the half of the flag length. A black tiki is placed in the triangle. The colours are prescribed as red Pantone 185c and yellow Pantone 111c.
White represents peace and the tiki with open eyes is characteristic of the culture of the Marquesas. Yellow recalls the eka dye used by the inhabitants of the archipelago to coat their body during traditional festivals. Red was the symbol of the kings of the Marquesas.
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Le tambour marquisien, te pahu
Te Pahu, le tambour d’une civilisation, de tout un peuple qui ressent son résonnement jusqu’au plus profond de ses entrailles, ce symbole de la culture marquisienne avait quasiment disparu. Il a subi tout comme les autres symboles de la culture « Enana », une concurrence déloyale avec ceux du monde des « Hao’e ». Après un siècle de quasi absence, il revient au début des années 1960.
Historiquement, le « pahu » tenait une place d’honneur dans la société marquisienne. Il rythmait la vie au quotidien.
Plusieurs types de «pahu » existaient avec une apparence et une fonction spécifiques. Ainsi, ils se différenciaient comme ceci :
Pahu mea’e, le plus grand des tambours faisant plus de deux mètres de hauteur sur lequel deux « moa », serviteurs du « tau’a » le prêtre, frappaient lentement en cadence avec le poing fermé ou les mains plates. Ces tambours étaient placés en contre bas d’une plate-forme en pierre. Les batteurs debout sur le « paepae » étaient alors à bonne hauteur.
Pahu’ua, un grand tambour double.
Pahu topete : long et étroit servi par un seul exécutant.
Le « tutu » : petit tambour pour accompagner les grands, les battements
Sont plus rapides et les doigts entrent enjeu.
Pahu oe’oe : petit tambour réservé à l’accompagnement des chants.
Ils étaient fabriqués par le « tuhuka a’aka pahu » qui utilisait un tronc de mi’o ou de cocotier évidé, longuement frotté au « pani », recouvert d’une peau de requin tendue par de cordelettes de «pu’u ».
Ainsi les «pahu » résonnaient pendant plusieurs heures sur le « tohua » lors des fêtes invitant les tribus voisines, redoublant de résonance pour les accueillir. Le «pahu » exprimait encore toute sa force lors des repas pantagruéliques où parfois jusqu’à une centaine de porcs étaient sacrifiés pour l’occasion. Le jour de l’union entre un jeune homme et une jeune femme, le futur marié accompagné par ses amis, s’approchait de la maison en faisant raisonner le «pahu ». Réunis dans une étoffe de « tapa », le jeune couple reçoit les « tau’a » au son du «pahu mea’e » qui entre en scène. Les « Tau’a » scandent des cantilènes des heures durant dans un dialecte qui leur est propre. Des mets sont offerts à la famille de la femme et un autre «pahu » bat le rappel sur le « tohu’a ko’ika ». Tels sont les fragments du savoir sur l’utilisation ancestrale du « pahu ».
Aujourd’hui le «pahu » apparaît dans toutes les manifestations culturelles, religieuses, touristiques et autres. Il résonne pour annoncer le début d’un événement, pour inviter la population à une fête, pour accueillir des invités de marque ou pour la préparation d’un spectacle.
Il rythme les chants et les danses. Il réapparaît en grand nombre à chaque manifestation culturelle. On ne conçoit pClus une danse sans le « pahu » car il contribue de nos jours à démontrer la spécificité de la culture marquisienne.
On suppose qu’autrefois, les batteurs de «pahu » étaient des initiés, mais aujourd’hui les batteurs s’intéressent dès leur plus jeune âge au «pahu ». Ils deviennent performants après des heures de répétitions.
Peu de personnes connaissent les techniques de fabrication d’un « pahu ». La préparation pour ce festival fut une occasion de transmettre ce savoir à toute génération.
Retrouver les techniques des anciens en examinant de près les pahu, les tambours anciens conservés dans les musées, intéressent quelques passionnés, les nouveaux « tuhuka a’aka pahu ». « C’est l’ensemble du choix des matériaux qui caractérise un bon pahu…et le rendra unique ». Fabriquer un bon tambour comme autrefois exige un savoir-faire. Il faut respecter les proportions. « Tu as l’impression que le volume est le même de haut en bas, voire plus grand en haut, mais en réalité il est beaucoup plus fin en haut qu’en bas ! » déclare Tuarai Peterano, le sculpteur de Hiva Oa. « Il faut ne jamais fendre en deux le bois du tronc dans lequel on va creuser la caisse ». Le tumu me’i, l’arbre à pain, est le meilleur bois pour une bonne sonorisation du pahu. Mais le temanu, le tou, le miro… peuvent aussi donner de bons tambours. Si on utilise aujourd’hui la peau de bœuf ou de chèvre, la peau de requin présente de meilleures qualités sonores et d’usure. Mais il faut alors trouver la peau et celui qui saura la préparer, tresser les liens avec de la fibre de bourre de coco. Il faut tout étudier, pour obtenir la meilleure sonorité : le système des attaches, caller le nombre de trou dans la peau, la répartition pour que cette peau tendue fasse corps avec les points d’ancrage sur le bois. C’est un travail long, de plusieurs mois pour un grand pahu.
Tambour des îles Marquises
Début du XIXe siècle
Bois, étoffe d’écorce, fibre de coco, peau, fibres végétales
H.: 112 cm
Lille, MHN: 990.2.1141
Acquis en 1850; ancienne collection Alphonse Moillet (Notter et al., 1997, p. 57-64).
Exemple extrêmement rare de tambour complet avec son enveloppe et ses attaches. Onze feuilles d’étoffe d’écorce non décorée placées verticalement entourent la caisse. Les motifs sont constitués par des fils de « trame » irréguliers en cordelettes noires et bruns/rouges de fibre de coco tressé. Une « ceinture » et une «jupe » sont constituées par six feuilles verticales d’étoffe d’écorce. Les huit pieds présentent des attaches en fibre de coco à la base et sont retenus sous la jupe par un cerceau en bois, auquel sont attachées les cordes verticales cachées qui tendent la peau de poisson. Il existe une cavité entre la caisse et la base creuse.
L’anthropomorphisme du tambour est ici évident et permet d’avancer l’hypothèse selon laquelle le tambour est considéré comme l’image d’un dieu faiseur de son. Un exemplaire comparable, mais en partie détérioré, a été décrit par Panoff (1995, p. 124).
In Arts et Divinités 1760-1860 Steven Hooper 2008
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Ce phénoménal objet est un tambour de 2,45 mètres de haut dont on ne connaît au monde qu’un seul autre exemplaire plus petit, conservé au musée de Tahiti. Doté d’une circonférence à la base de 45 cm, il est taillé d’une seule pièce dans un tronc de cocotier. La membrane est constituée d’une épaisse peau de requin, tendue par de grosses tresses en fibres de bourre de coco. Ces fibres sont fixées indirectement à la membrane, au moyen d’un laçage complexe de cordelettes plus fines, la technique utilisée étant typique des îles Marquises. Une belle tresse plate entoure le tambour vers sa base, venant maintenir les cordes de tension.
Il était utilisé au cours de cérémonies qui se déroulaient dans un espace nommé me’ae. Il s’agissait d’un lieu tabou dont l’accès était réservé aux prêtres et aux personnes de haute lignée. Il servait lors des célébrations des cérémonies funéraires au cours desquelles des sacrifices humains étaient pratiqués. Il était constitué de plusieurs terrasses en pierre entourées de statues, les tiki, représentations des ancêtres déifiés.
Le tambour, appelé pahu me’ae, était placé au pied d’une plate-forme. Les batteurs se tenaient sur la terrasse supérieure. Ils étaient accompagnés de tambours plus petits, de 1,60 mètre de haut, les pahu vanana, et de conques marines, les putona.
Ce magnifique tambour est un don fait au Muséum de Grenoble en 1846 par Henri Murgier, alors juge suppléant au tribunal de Tahiti. Il a été restauré en 2007 et est actuellement présenté au public dans la salle d’accueil du muséum. Karl von den Steinen en a publié une description dans Die Marquesaner und ihre kunst primitive Südseeornamentik (1925).
Le réveil des Marquises
Le musée du quai Branly rend hommage à l’art de Polynésie et à ses traditions aujourd’hui réinventées. Reportage aux îles Marquises, au cœur d’une culture en plein renouveau.
par Hortense Meltz, envoyée spéciale du magazine « Beaux Arts »
« Les Marquises, c’était l’archipel du silence. Mes parents refusaient de me raconter les rituels, les légendes marquisiennes car, pour eux, « c’était diabolique. Ils avaient été « lavés » par les missionnaires. On ne dansait plus sur les rythmes marquisiens, l’artisanat était en plein déclin, quelques vieux sculpteurs continuaient à travailler dans l’indifférence générale.» Nous sommes en 1968.
Benjamin Teikitutoua, Président du Comité organisateur du festival des Marquises en décembre2007. Photographie prise lors du départ des délégations
À l’époque, Benjamin Teikitutoua est adolescent, à Ua Pou, l’une des six îles habitées de l’archipel marquisien. Aujourd’hui, il préside le festival des arts des Marquises. En décembre 2007, pendant une semaine, Ua Pou, célèbre pour ses douze necks, de hautes colonnes basaltiques qui lui donnent un modelé grandiose, a vu sa population passer, le temps du festival, de 2000 à 5500 habitants. Pourtant l’île est difficile d’accès, trois heures d’avion de Papeete à Nuku Hiva, puis encore une demi-heure de Twin Otter pour atterrir enfin à Ua Pou. Le festival des Marquises, organisé tous les quatre ans, est devenu l’événement phare de la vie culturelle polynésienne. Hier encore, personne n’aurait pu imaginer ce renouveau.
«Le peuple marquisien se meurt, il n’y a rien à en tirer»… À partir de 1887, les rapports sur l’état des Marquises se succèdent, ne pouvant que constater la rapide disparition d’un peuple. En 1842, après son annexion par la France, la situation de l’archipel continue de décliner car aucun moyen financier ou humain n’est mis en œuvre pour sauver la population. Les hommes
sombrent dans l’alcool, la drogue, et succombent aux épidémies apportées par les marins.
Sur 20 000 habitants en 1842, on n’en dénombre plus que 2000 en 1918. Il faut attendre le début des années 1920 et la politique démographique du docteur Rollin, administrateur des Marquises, pour enrayer la chute de la courbe de natalité. Au même moment, la lente évangélisation casse les structures traditionnelles en interdisant la pratique du tatouage, la danse et le chant. Les tiki, symboles païens, sculptures emblématiques en bois et pierre, sont détruits ou envoyés en Europe comme preuve de la conversion de la population. La culture de tradition orale n’y résiste pas. Paradoxalement, c’est un évêque, monseigneur Hervé Le Cléac’h, qui sera l’un des animateurs du réveil identitaire. «À mon arrivée, en 1971, j’ai d’abord regardé le paysage, puis j’ai étudié le comportement des gens et j’ai cherché à découvrir ce qu’était leur histoire. Les Marquisiens ne la connaissaient plus», raconte-t-il.
Vue du tohua, grande place communautaire, île de Ua pou. Construit entre le XVIe et le XVIIIe siècle, il était utilisé lors des cérémonies festives. Abandonné au XIXe, il a été restauré à l’occasion du dernier festival. Au premier plan, une oeuvre contemporaine en tuf rouge sculptée à Nuku Hiva et offerte à Ua Pou lors du festival .
Avec la prise de conscience de son identité et le réveil linguistique, une culture nouvelle s’ébauche aux Marquises.
Pour sauver cette culture en voie de disparition, Hervé Le Cléac’h lance une vaste enquête auprès de la population. « Connaissez-vous vos ancêtres ? Parlez-vous votre langue ? Que pensez-vous de vos traditions ? » En 1979, l’association culturelle Motu Haka (le rassemblement) est créée à l’initiative de l’évêque pour sauvegarder le patrimoine marquisien. Cette première prise de conscience s’accompagne d’un réveil linguistique en réaction à la décision du gouvernement territorial d’imposer, en 1982, des cours de langue tahitienne à l’école (différente du marquisien). Motu Haka obtient la reconnaissance officielle de la langue de l’archipel et la création d’une académie marquisienne.
Danseur traditionnel pendant le festival des Marquises, en 2007. Vêtu d un costume en feuilles d’auti (plante sacrée), il exécute la danse du guerrier. Son casse-tête indique sa fonction de chef de danse.
Un salutaire retour aux sources
Sur sa lancée, l’association inaugure, en 1987, le premier festival des arts aux Marquises. « On a commencé à recueillir les souvenirs des personnes âgées, ensuite on a effectué des recherches sur la base des travaux des ethnologues et des navigateurs », raconte Benjamin Teikitutoua, alors instituteur à Ua Pou et membre fondateur de Motu Haka. La musique, qui rythme les chants et les danses (dont les fameux haka), est au cœur de ce processus de reconquête de la mémoire. Jadis, le pahu, un tambour traditionnel, était la base de la musique marquisienne et régnait en maître. Herman Melville, dans Taïpi, qui raconte son séjour à Nuku Hiva, en 1842, a évoqué une fête, centrée autour de pahu gigantesques, dont on jouait continûment pendant plusieurs jours. Ce tambour sur pied, un fût en bois évidé pouvant atteindre deux mètres de haut, était recouvert d’une peau de requin fixée par de la fibre de coco. Sa fabrication avait été abandonnée et même oubliée jusqu’à la création du festival qui vit renaître les grands pahu. Le musicien et chanteur marquisien Jean-Paul Landé a entrepris de fabriquer un pahu à l’ancienne à l’occasion du festival de 1991. «Je me suis rendu avec le sculpteur Tuarae Peterano au musée de Tahiti pour mesurer le pahu des Marquises qui y est conservé. J’ai aussi travaillé à partir de photographies. On s’est rendu compte que le même procédé était utilisé pour tous les tambours, quelle que soit leur taille. La difficulté du travail tenait au respect des proportions et à la reconstitution du système d’attaches. Pour les premiers pahu, nous avons attaché, détaché, attaché de nouveau, jusqu’à trouver la bonne technique.»
Cette mobilisation de la population à la recherche de ses racines a permis à monseigneur Le Cléac’h de se réjouir: «Il est certain qu’une culture nouvelle s’ébauche aux Marquises.»
Les voyagistes ne s’y trompent d’ailleurs pas, les îles Marquises sont devenues une destination recherchée et haut de gamme malgré la difficulté d’accès, le manque de vols internationaux et d’infrastructures locales.
Par quel miraculeux tour de force 8000 Marquisiens ont-ils réussi à faire renaître leur culture et revendiquer leur identité ? Débora Kimitete, première adjointe au maire de l’île de Nuku Hiva, capitale des Marquises, avance une explication : « C’est peut-être parce qu’en 1920 ils n’étaient plus que 2000. Un peu comme sur l’île de Pâques. Ce sont les survivants d’une culture qui a bien failli disparaître.» Une culture aujourd’hui bien vivante à l’image des tiki en bois ou en pierre qui envahissent les marchés et les maisons. Symbole du renouveau de la sculpture marquisienne, le tiki est le demi-dieu le plus connu du panthéon marquisien, en sa qualité de créateur de l’homme. La tête incarne le mana (la puissance), le visage est dévoré par d’immenses yeux en amande qui témoignent de ce pouvoir surnaturel alors que la bouche étirée, laissant voir la langue, ou parfois les dents, défie l’ennemi et l’adversité. Aux moments clefs de la vie de la tribu, il devenait indifféremment réceptacle de la divinité ou des ancêtres légendaires.
Symbole du renouveau de la sculpture marquisienne, le tiki est le demi-dieu le plus connu du panthéon local.
Tiki contemporain en cocotier (1,60 m de haut) sculpté par Philippe Amedé Teikitohe
Des tiki, Séverin Taupotini en vend beaucoup. Installé à Nuku Hiva, il sculpte avec ses deux derniers fils de 16 et 17 ans dans l’atelier qu’il a construit dans son jardin. Séverin fait partie de la vieille génération, celle qui a réussi à maintenir la sculpture en vie. Ce n’était au début qu’un complément de revenus dans une économie de subsistance. « En 1958, j’avais 13 ans, j’ai commencé à sculpter mais je faisais aussi le coprah, les cochons, les bananes et la pêche.»
Son neveu Damas Taupotini, installé quelques centaines de mètres plus loin, a aussi un coup de patte sans égal pour copier des pièces traditionnelles. À partir d’un catalogue d’exposition, il sculpte un magnifique casse-tête dans du bois de fer, commandé par un client de Papeete pour 250 000 francs CPF (2000 euros). Aujourd’hui, à 40 ans, il cherche sa propre inspiration.
De copiste à artiste
Il fait partie de ces sculpteurs que Débora Kimitete aurait aimé emmener avec elle, à New York, en mai 2005. Le Metropolitan Museum of Art inaugurait alors «L’art des îles Marquises». «Parmi nous, il y a des artisans.
Le u’u (massue, casse-tête) était la propriété des guerriers. La partie supérieure porte le motif de la tête, censé augmenter le mana (pouvoir). Les stries qui cernent les yeux représentent un motif de tatouage arboré par les guerriers.
Aujourd’hui, quelques-uns sont de vrais artistes, pas seulement des « reproducteurs ». Je voulais les faire voyager pour enrichir leur imaginaire et qu’ils posent un regard neuf sur le travail de leurs ancêtres. » Une idée que partage Mate Bruneau qui a hérité son nom d’un lointain ancêtre breton. Après avoir travaillé sur l’atoll de Mururoa, comme maçon puis agent de police, Mate commence à sculpter à son retour à Ua Pou. Pendant cinq ans, il ne réalise que des répliques. «Il y a une dizaine d’années, j’ai rencontré un sculpteur venu de France qui m’a dit de sculpter selon mes envies. À l’époque, je réalisais des objets culturels, du marquisien type. La première fois que j’ai vraiment créé quelque chose, il m’a fallu du temps. Le problème était dans ma tête, j’avais peur que l’on m’accuse de renier ma culture. Maintenant, j’en suis convaincu, quand tu crées, c’est universel, tu es toi, tu fais partie de l’univers et des Marquises aussi.»
Désormais, ils sont quelques-uns à signer leur œuvre, non à la demande du touriste qui veut s’assurer que son tiki n’est pas d’importation chinoise mais pour revendiquer une création à part entière. Art traditionnel et art contemporain sont étroitement associés à l’affirmation de l’identité culturelle des Marquises.
Trois questions à… Tara Hiquily, chargé des collections ethnographiques du musée de Tahiti et ses îles, Papeete
Les danseurs portent des ornements en plumes de coq sauvage, en coquillages, en os de cochon ou de cheval.
Quel est le statut de l’œuvre d’art polynésienne ?
Un musée ne prend pas du tout en compte, et c’est normal, les dimensions immatérielles attachées à l’objet. On parle de réalisations sur lesquelles on a peu d’informations. On les réduit à une dimension esthétique. Dans la civilisation polynésienne, il y avait un goût pour les belles choses, une recherche de l’objet extraordinaire et de la difficulté. Mais la dimension esthétique était en arrière-plan. Un objet était le symbole du mana, le pouvoir d’une chefferie, de son principal ancêtre et l’incarnation de cette généalogie.
Qu’est-ce qu’un objet « authentique » ?
On parle d’objets « authentiques » jusqu’au milieu du XIXe siècle, c’est-à-dire au sujet des productions dans la lignée des objets avant le «contact» (Wallis débarque à Tahiti en 1767, Bougainville en 1768, Cook en 1769). On ne prend pas en compte ce qui va être créé à la fin du XIXe siècle dans un style acculturé, destiné uniquement à la vente et que l’on appelle «curios». Ici, il y a assez peu d’art populaire, comme les selles marquisiennes qui sont, par ailleurs, superbes.
Quel regard les polynésiens portent-ils sur leur patrimoine ?
Le statut de l’objet polynésien a évolué en Occident grâce au regard des artistes du XXe siècle. Depuis quelques années, on lui reconnaît le rang de chef-d’œuvre artistique. En Polynésie, nous n’en sommes pas là. Il y a eu un regain d’intérêt pour deux raisons. Ces objets ont symbolisé une quête identitaire qui passait par la revendication de leur propriété. Et parce que le monde commençait à s’y intéresser. Avant, les Polynésiens chrétiens les abandonnaient quand ils n’avaient plus d’utilité (herminettes en pierre, hameçons en nacre) ou les ont détruits ou déposés dans des lieux tapu (interdits, sacrés), comme pour les statues de divinités. Ces objets ont aussi servi de monnaie d’échange avec les étrangers.
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A lire :
Polynésie – Arts et divinités (1760-1860), catalogue de l’exposition sous la direction de Steven Hooper, coéd. Musée du quai Branly / RMN, 288 p., 300 ill.
« Le réveil des Marquises » : Texte original paru dans Beaux Arts Magazine Juillet 2008, publié ici avec l’aimable autorisation de l’auteur.