Hiva Oa , Atuona, chorale au collège ; « No Te Ati Enata »

No te ati enata

E uta

He – He – He

No te ati enata

Ia vai ana mai to oe ii nui

Haa uti te tama to oe kuhane meitai

Haa tapu mai oe to uti uti e

Ono hei tou ruu

No te tama

Tahu mai te motua  

No te pakaihi nui

Koho’a nei te tama enata ite meitai no toia kuhane

E aue, e u’i hoi oe ia vai te haka a te po’i hou

Pehea nei hoi te hakatu pohoe te ati enata e haka tumu e

E aue, e u’i hoi oe ia vai te haka a te po’i hou

 

 

TE NATI – Ces hommes de la terre déserte

Documentaire d’Axel T Lichtlé. Nuku Hiva. Sur ce que l’on appelle la « Terre Déserte », 2 hommes ont décidé d’y vivre avec leur famille et de travailler cette terre. Chez Mamo pas d’électricité pas de machine. il vit et travaille à l’ancienne. Chez Claude, les chevaux ont laissé place au tracteur, on produit en quantité pour s’ouvrir sur le monde.

Documentaire TNTV

Îles Marquises : Des mots sur les blessures, réflexions suite à « Instantanés du Monde » une émission radiophonique

Sans titre1

Pour écouter ou enregistrer l’émission cliquez

Pour  les deux articles du blog de cette émission à Upeke, cliquez ici puis .

*****

Instantanés du Monde, une émission radiophonique extraordinairement merveilleuse. Une voix sublime, une écriture poétique, une illustration sonore qui nous transporte instantanément. Mieux que l’image photographique qui cadre notre vision, la bande son nous fait humer la terre et ses senteurs végétales, entendre le chant des coqs, sentir l’âme des Marquises.

chef-atuona.1226213837

Patrice Chef de danse à Hiva Oa

Le témoignage de Marie-Victoire, la grand-mère de Poe, est bouleversant. Ses réponses, ses silences, sa difficulté à trouver ses mots laissent transparaître les blessures jamais cicatrisées d’un peuple qui faillit disparaître au début du siècle dernier. Elle évoque sa vie au pensionnat de l’école Sainte-Anne à Hiva Oa où les filles étaient scolarisées afin d’être soustraites à l’inceste, et devenir de ferventes catholiques et par-dessus tout, des mères d’une généreuse fécondité. Les missionnaires avaient compris qu’ils n‘obtiendraient rien des garçons mais qu’ils réussiraient l’acculturation par la voie des filles. Son aïeule conserve apparemment un doux souvenir des heures passées à l’apprentissage des savoir-faire d’une civilisation aux antipodes de la sienne (Il y avait à Sainte-Anne une sœur d’origine allemande). Mais, elle semble avoir oublié la sévérité des méthodes de l’école des sœurs : les privations alimentaires, les corvées matinales auxquelles les pensionnaires ne pouvaient échapper, les châtiments corporels, les terreurs nocturnes, l’éloignement de leur famille dès le plus jeune âge, dès l’âge de six ans pour certaines. Un éloignement qui durait une année pour les Marquisiennes des autres îles de l’archipel, une année avant de pouvoir retourner sur l’île natale pour quelques semaines en famille, après un long voyage de plusieurs heures voire des plusieurs jours en baleinière. C’est ainsi que la population dévastée remonta ses effectifs grâce à la Mission et conjointement l’assistance sanitaire et persévérante du gouverneur, le Docteur Rollin.

Les plus petites familles comptèrent six, huit enfants tandis que la plupart en voyait naître entre douze et quinze et qu’un grand nombre de femmes mettaient au monde plus d’une vingtaine d’enfants, tous vivants.

Fatuiva_ThorHeyerdhal 1937

Fatuiva 1937 Photo prise par Thor Heyerdhal

Alors lorsque Poe essaie de retrouver les traces d’un passé disparu, perçoit-elle parmi toutes les violences subies, celle entre autres d’apprendre à manger assis à table avec une assiette et une fourchette lorsque les parents assis tailleur à même le sol en rond autour d’un plat central et unique saisissaient la nourriture avec les doigts ? Un exemple trivial direz-vous ? Manger avec les mains, danser pied nus le corps recouvert de végétaux sont des éléments identitaires de la culture marquisienne renaissante. Patrice, le fils, est le chef du groupe de danse qui représente Hiva Oa à chaque festival des Arts des Îles Marquises. La danse comme une thérapie corporelle pour se réapproprier sa langue maternelle nous dit Poe, la comprendre et surtout pouvoir la parler.

 

En écoutant Marie-Victoire, on entend sa résistance à la pratique de la langue française et on devine la pénibilité que fut pour elle l’apprentissage forcé de cette langue. Toutefois les Marquisiens restent très attachés à la France et à la religion catholique. Ils donnent des prénoms français à leurs enfants. Or à Tahiti, depuis une quinzaine d’année, les adultes manifestent une nette préférence pour leur prénom ma’ohi.

On pourrait se demander si aux îles Marquises, la population n’est pas victime du syndrome de Stockholm, son attachement à la France et à l’Eglise, autrement dit son identification à son agresseur, son envahisseur historique et occidental, lui offrirait pour un temps une possibilité de survie à l’enfer des années 1850-1920 ? Ce n’est pas si éloigné dans le temps, 1920 c’est quatre générations ; 1920 c’est à quelques années-près la naissance des arrières grands-parents de Poe.

On pourrait se demander aussi si parfois cette identification ne se retourne pas au contraire en une agression nouvelle contre la reconquête de la culture marquisienne ? Récemment il y a eu la dégradation du tiki de Upeke (une oreille détruite) et l’incendie de la pirogue de Nuku Hiva. Des symboles, des vestiges du passé sont détruits et drogues et alcools ne suffisent pas à éclairer ces actes.

Comment se penser à travers des statues que les ancêtres ont dû sous la contrainte détruire, comment jouer du tambour dans une église alors que les ancêtres ne devaient plus les faire résonner ?

 

« Comment puis-je apprendre leur langue maternelle aux enfants alors qu’il me fut interdit de la parler à l’école ? » me dit un jour un instituteur des îles Australes. C’était extrêmement douloureux pour lui.

Pour un historique de l’école des sœurs, lire l’article de Patrick Chastel

Marquises : Les « filles de Saint Joseph » et la terre des hommes (Patrick Chastel)

La congrégation des Sœurs de Saint Joseph de Cluny fêtera son 200ème anniversaire le 12 mai 2007. Deux cents ans donc qu’Anne-Marie Javouhey, dont le nom, au travers des différents établissements scolaires, est devenu indissociable de l’histoire du territoire, fondait la première communauté avec trois de ses sœurs et cinq compagnes.

Ce bicentenaire sera commémoré partout dans le monde tellement l’œuvre missionnaire de la congrégation aura été importante au cours de ces deux derniers siècles.

De nombreuses manifestations sont prévues en Polynésie, elles s’achèveront par une messe d’action de grâces célébrée par Monseigneur Hubert Coppenrath en l’église Maria no te Hau.

 

Patrick Chastel, qui a enseigné pendant quinze ans l’histoire et la géographie au collège Sainte Anne d’Atuona à Hiva Oa, nous retrace ici l’historique de l’implantation des Sœurs de Saint Joseph de Cluny aux îles Marquises.

 

En mai 1842, l’amiral Abel Dupetit-Thouars, après avoir obtenu la signature des chefs des principales vallées, prend possession, au nom du roi de France Louis-Philippe, des six îles habitées de l’archipel des Marquises. La terre des hommes, te fenua enata, devient ainsi la toute première colonie française du Pacifique.

La Reine-Blanche, le navire de Dupetit-Thouars poursuit ensuite sa route jusqu’à Tahiti où la reine Pomare IV accepte le 9 septembre 1842 de placer son île sous le protectorat de la France.

 

Dès l’année suivante, en 1843, l’amiral Roussin, ministre d’Etat de la Marine et des Colonies, se permet de contacter directement Mère Anne-Marie Javouhey afin que les îles Marquises puissent profiter de l’action des Sœurs de la congrégation de Saint Joseph de Cluny.

Cette congrégation a été créée le 12 mai 1807 par Anne Javouhey, âgée seulement de 28 ans. L’œuvre missionnaire n’a réellement débuté qu’en 1817 avec le départ de quatre Sœurs pour l’île de la Réunion puis ce sera le Sénégal où les Sœurs s’occupent à la fois de l’école et de l’hôpital avant que des communautés religieuses s’installent progressivement aux Antilles, en Guyane et jusqu’en Inde. Le travail des Sœurs de Cluny, leurs actions et leurs bienfaits, sont unanimement reconnus, c’est pourquoi le ministre n’hésite pas à leur demander de rallier maintenant le Pacifique et ces îles qui viennent tout juste de devenir françaises.

 

Le 4 août 1843, le navire La Charte, commandé par le capitaine Charles Penaud, appareille de Brest. A son bord, se trouvent les Sœurs Régis Flechel, Bruno de Monlas, Ignace Chamleau et Joséphine Moureau.

Le voyage, avec la traversée de l’Atlantique, la navigation le long des côtes argentines avant d’affronter le terrible passage du Cap Horn, va durer six mois. Après les îles Gambier, le navire fera escale dans la baie de Vaitahu sur l’île de Tahuata avant de se rendre à Taiohae, la vallée principale de Nuku Hiva. Mais le capitaine refuse de laisser les Sœurs comme cela, pour ainsi dire à l’abandon dans un endroit qu’il juge hostile, et décide de poursuivre sa route jusqu’à Tahiti afin qu’elles puissent rencontrer le gouverneur Bruat, le seul pouvant prendre des décisions concernant les Marquises.

Ces toutes premières « filles de saint Joseph » en Polynésie resteront en fait à Tahiti où, installées dans ce qui deviendra plus tard l’hôpital Vaiami, elles s’occuperont essentiellement de soigner des malades.

 

En juin 1847, deux sœurs, les sœurs Boyer, Sœur Marcelline et Sœur Sophronie, quittent Tahiti en direction des îles Marquises. Elles ouvrent une école à Vaitahu, la plus grande vallée de l’île de Tahuata. Malheureusement cette première tentative échouera car, un an plus tard, en septembre 1848, elles sont contraintes d’évacuer l’île en urgence suite à une guerre avec les tribus de Hiva Oa. Elles embarquent, en compagnie de Monseigneur Baudichon, sur le Cincinatti, un navire baleinier de passage dans l’archipel.

 

Il faut attendre ensuite l’année 1863 pour que le Commandant Commissaire Impérial de la Richerie approuve la décision d’ouvrir une école des Sœurs à Taiohae ainsi qu’une école de garçons tenue par les Frères de Ploërmel.

En mars 1864, les Sœurs Mélanie Jarrier, Lazarine Villemain, Félicité Soulier et Anne-Marie Vigroux s’installent à Taiohae. Elles vont rapidement compter quatre-vingt élèves dans l’école et continueront à dispenser leur enseignement durant de nombreuses années.

 

En 1880, l’amiral Bergasse Dupetit-Thouars, neveu de celui qui avait pris possession de l’archipel, écrivait en parlant des Sœurs de Cluny : « Je n’ai pu encore recevoir de réponse … à la demande que j’ai faite à ces dames pour monter une école à Hiva Oa … je la renouvellerai avec insistance. »

C’est ainsi que le jour de Noël 1885, les Sœurs Saint-Prix de Moindrot, Sainte Aldegone Jeanjean, Françoise Payot et Apolline-Marie Artus débarquent d’un vapeur en escale à Atuona. Elles arrivent de Californie après avoir effectué la traversée Le Havre – New York en bateau et celle des Etats-Unis en train.

On imagine les péripéties rencontrées au cours d’un tel voyage à une époque où les guerres indiennes ne sont pas terminées, elles ne le seront en effet qu’en 1890 après le massacre des Sioux par l’armée américaine à Wounded Knee.

 

Dès leur arrivée, les quatre Sœurs se mettent au travail et l’école Sainte Anne ouvre presque immédiatement. Rapidement on enregistre l’inscription de 60 élèves.

Les effectifs vont ensuite augmenter régulièrement. On note 113 élèves en 1886, 124 en 1887, 153 en 1888, 226 en 1889, 210 en 1893.

 

Mais les lois sur la laïcisation et la séparation de l’Eglise et de l’Etat n’épargneront pas les îles Marquises et provoqueront la fermeture des écoles de la  Mission au tout début de l’année 1905.

Commence alors l’une des périodes les plus dramatiques de l’histoire de l’archipel au cours de laquelle on va frôler l’extinction de la race marquisienne.

Les premiers navigateurs estimèrent la population à environ 50 000 habitants, le  recensement de 1842 ne fait plus état que de 20 200 personnes, ce chiffre ne cessera de baisser pour arriver à 6 011 habitants en 1874, 4 279 en 1897, 3 317 en 1902. Le creux de la vague se situera en 1921 où il ne restera que 2094 personnes sur les six îles de l’archipel.

 

Dans le même temps, la fermeture des écoles catholiques entraîne une autre catastrophe. L’inspecteur des Colonies Revel écrit en 1914 : « Tout est à refaire en matière d’instruction », … « il n’y a plus d’écoles aux Marquises ». En 1920, l’inspecteur Henri est, quant à lui, catégorique : « L’enseignement peut être considéré aux Marquises comme inexistant ».

 

Il faudra attendre mai 1923 pour qu’un contrat soit enfin signé entre le gouverneur Rivet et Monseigneur Le Cadre, contrat qui donnera l’autorisation pour l’ouverture d’un « internat-préventorium » à Atuona prévoyant que « la durée de l’enseignement est fixée au minimum à 15 heures par semaine pour l’enseignement proprement dit et à 5 heures pour l’enseignement ménager. ».

L’article suivant précise : « Les vacances à l’extérieur de l’internat sont supprimées pour les filles ayant plus de 10 ans. ».

L’internat de l’école Sainte Anne va donc, par cette mesure, participer grandement au renouveau de la population marquisienne en protégeant et en éduquant les adolescentes, « enfermées » pour leur bien dans le « papua virikine », l’enclos des Sœurs, comme on l’appelait à cette époque. Une appellation qui est depuis passée dans le langage courant.

 

Ainsi, dans son rapport de 1929, l’inspecteur des Colonies Moretti n’hésite pas à affirmer que le pensionnat de jeunes filles d’Atuona contribue « au sauvetage et à la conservation de la race en préservant les fillettes qui ne sont rendues à leurs familles qu’à l’âge où l’on peut les marier ». Il précise même : « depuis l’ouverture de l’internat, 38 jeunes filles en sont sorties, qui avaient dépassé l’âge de 15 ans, 14 se sont mariées légitimement, 6 autres vivent maritalement ; ces 20 jeunes femmes ont eu 20 enfants dont 18 sont encore vivants ».

Déjà, en 1903, l’inspecteur général Salles louait, dans son rapport, le travail effectué par les Sœurs de Saint Joseph de Cluny ainsi que l’importance de l’internat pour la sauvegarde morale et matérielle des jeunes Marquisiennes.

 

L’école Sainte Anne va donc officiellement rouvrir ses portes le 24 août 1923, avec à sa tête Sœur Eléonore.

Dès 1924, une soixantaine de filles vivront à l’internat de l’école Sainte Anne, un chiffre qui au fur et à mesure des années dépassera la centaine.

Les premières diplômées marquisiennes vont faire leur apparition. Entre 1932 et 1940, vingt filles obtiennent le Certificat d’Etudes local et deux autres le Certificat d’Etudes métropolitain.

En 1947, arrive par la goélette Vaitere une toute jeune directrice, Sœur Rose n’a en effet que 22 ans, elle prend la tête de l’école qui compte 3 classes tandis que l’internat loge 78 pensionnaires. Soixante ans plus tard, Sœur Rose est toujours à Atuona et continue de s’occuper des élèves lors des études du soir.

Durant l’année scolaire 1963-1964, sous la direction de Sœur Emmanuel, le collège Sainte Anne voit officiellement le jour avec l’ouverture d’une classe de sixième.

En 1968, les meilleurs élèves obtiennent le BEPC puis, un an plus tard, le Brevet Elémentaire, diplôme aujourd’hui disparu, et deviennent les premiers instituteurs et institutrices de l’archipel.

A l’époque, les épreuves du BEPC se déroulaient à Taiohae sur l’île de Nuku Hiva en présence d’une Commission d’Examen composée de professeurs du lycée Paul Gauguin venus tout spécialement de Tahiti.

 

L’internat des Sœurs, le papua virikine, ouvert il y a maintenant 120 ans, tout comme l’école et le collège Sainte Anne sont devenus de véritables institutions aux îles Marquises ce qui explique que les jeunes filles internes continuent d’être originaires des six îles de l’archipel. Après les mamau, ce sont les mamans qui ont été élevées par les Sœurs et elles souhaitent que leurs enfants reçoivent la même éducation.

 

Sources :

« Marquises », ouvrage collectif, CRDP, Tahiti, 1996

« Les îles Marquises, archipel de mémoire », ouvrage collectif, Éditions Autrement, Paris, 1999

« Les îles Marquises », Michel Bailleul, Ministère de la  Culture, Tahiti, 2001

« Te fenua enata, la terre des hommes. Chroniques des îles Marquises », Patrick Chastel, Éditions Au Vent des Iles, Tahiti, 2004

copyright :

http://www.des.pf/itereva/pedagogie/index.php/ressources/370-ressources-locales/2307-les-surs-de-la-congregation-st-joseph-aux-marquises-1843