
À l’extrême pointe de l’Europe et d’une péninsule étirée entre mer et océan, Chemins du patrimoine en Finistère réunit cinq sites patrimoniaux majeurs et tisse entre eux les liens d’une nouvelle politique culturelle.
Le projet culturel de « Chemins du patrimoine en Finistère » : la diversité culturelle
Dans un monde qui tend à uniformiser et à gommer les distances, les temps et les lieux, la question de la diversité est au cœur du projet culturel de l’Établissement public de coopération culturelle Chemins du patrimoine en Finistère. Cette question s’envisage dans le contexte de la Bretagne, d’une culture qui a su préserver ses traditions sans se départir d’une ouverture au monde et à la modernité. L’enjeu de ce projet réside dans ce double mouvement : le maintien d’un espace et d’un temps en prise avec l’ici sans oublier l’ailleurs, le proche sans oublier le lointain. La (re)connaissance des cultures est une condition de cette diversité.
Le projet ainsi défini donne un cadre aux expositions de l’Abbaye de Daoulas en même temps qu’il spécifie et oriente la « rencontre » des cultures autour du rapport à la fois banal et complexe entre le Même et l’Autre et la façon toute aussi complexe dont il peut être envisagé dans sa restitution aux publics.
En 2011, l’exposition « Rencontres en Polynésie, Victor Segalen et l’exotisme » aborde la rencontre avec l’Autre par le biais du premier grand voyage que fit l’écrivain breton en 1903-1904 en Polynésie.
Philippe Ifri, directeur général
George-Daniel de Monfreid (1856-1929) Portrait de Victor Segalen, 1909 Huile sur toile Collection particulière. La toile peinte dans l’atelier de Monfreid, 4 rue Liancourt à Paris, représente Segalen lisant une Histoire de la Peinture française sur fond d’œuvres de Gauguin données à Monfreid : La Barque et l’Idole à la perle, bois sculpté à Tahiti, aujourd’hui au musée d’Orsay.
La pensée de Victor Segalen constitue un outil étonnamment actuel d’exploration pour la rencontre avec l’Autre. Il renouvelle radicalement la notion d’exotisme au début du 20e siècle et la modernité et la singularité de sa pensée persistent encore aujourd’hui. Très tôt dans son œuvre, il soulève le problème des cultures et des traditions extra-européennes en voie de disparition sous l’effet de la colonisation (poids économique et joug religieux imposés par les colons). La vision d’une culture en déclin (en l’occurrence les Maoris) lui fait « comprendre que, désormais, sa tâche sera de sentir et d’exprimer la saveur du Divers » en explorant le monde.
L’exposition met l’accent sur la période polynésienne de la vie de Segalen, avant ses grands voyages en Chine. Elle présente des œuvres et des objets européens, en dialogue avec des pièces venues de Polynésie, jouant la carte du « mélange d’exotismes ».
Îles Marquises Tiki, 19e siècle Boulogne-sur-Mer, Château-Musée. Cet objet a été offert par Ernest Hamy, fondateur du musée du Trocadéro, au musée de Boulogne en 1878. Il s’agit d’un magnifique exemple de tiki de bois au visage encore marqué par les ciselures du tatouage.
Le Breton débarque aux îles Marquises en 1903, il a vingt-cinq ans, et y découvre une culture pour laquelle il se passionne. Au contact de ses habitants, il élabore peu à peu une nouvelle conception de l’exotisme, qui trouve parallèlement sa source dans l’art de Paul Gauguin, profondément admiré par Segalen. Revêtant le costume de l’ethnologue, il écrit un roman publié en 1907, Les Immémoriaux, par lequel il tente de raviver les anciennes traditions polynésiennes qui sont, selon lui, sur le point de disparaître. À travers ce texte, Segalen donne la parole aux « naturels » eux-mêmes, qui témoignent dans le passé comme dans le présent des échanges et des relations qui se sont noués entre les indigènes et les « hommes à la peau blême ».
La Bretagne quant à elle apparaît comme le seuil de la découverte de lointains mystérieux, comme une première étape vers un retour aux origines, mythe très prégnant dans l’histoire de la pensée européenne dont Segalen ne se départit pas. Mais le désir de voyage et de confrontation avec le Divers naît aussi à cette époque d’un ensemble de phénomènes culturels et sociaux importants : la littérature et les arts orientalistes, les Expositions universelles, le développement de la philologie et de l’anthropologie.

L’exposition a pour ambition de vérifier la modernité des idées de Segalen au début du 20e siècle, dans un contexte colonial qui mêle conquêtes marchandes et territoriales et discours sur l’altérité. Elle invite également le visiteur à s’approprier ces idées pour évaluer leur résonance aujourd’hui. Elle souhaite enfin montrer la part de métissage qu’ont connue les sociétés des mers du Sud, sans nier la violence dont elles ont été les victimes.
Article publié avec l’autorisation des Chemins du patrimoine en Finistère
Exposition : du 22 avril au 6 novembre
tous les jours (sauf le lundi) de 13h30 à 18h30
tous les jours de 10h30 à 18h30
jusqu’au 18, tous les jours de 10h30 à 18h30
à partir du 19, tous les jours (sauf le lundi) de 13h30 à 18h30
Îles Marquises Bracelets de cheveux humains, vers 1840-1844. Rochefort, musée d’Art et d’Histoire. Ces pièces ont été rapportées par l’océaniste Pierre-Adolphe Lesson au 19e siècle. Les bracelets de cheveux (parfois ceux des victimes de guerre) servaient comme ornement de poignets des grands chefs, qui, par ce biais, s’accaparaient la force du vaincu.
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Catalogue de l’exposition :
Rencontres en Polynésie – Victor Segalen et l’exotisme
Ouvrage sous la direction de Roger Boulay et Patrick Absalon
coédité avec l’Abbaye de Daoulas (Finistère)
Exposition à l’abbaye de Daoulas (Finistère) du 22 avril au 6 novembre 2011
Editeur : Somogy 192 pages, 160 illustrations broché avec rabats 22 x 27 x 1,6 cm Poids : 930 g 35 €
Code article ISBN-9782757204627 paru le 4 mai 2011.
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