NUKU HIVA : L’HÔPITAL MARQUISIEN ABANDONNÉ PAR LES POUVOIRS PUBLICS (La Dépêche de Tahiti)

 

 

Annonce  datée du 08/04/2016 

Je suis actuellement chargée des recrutements à l’hôpital de Taiohae. Nous avons :

– un poste de chirurgien vacant au 22 juin 2016,

– un poste de IADE vacant,

– deux postes de médecins généralistes vacants (fin mai, fin octobre),

Merci de bien vouloir envoyer vos CV et lettre de motivation à l’adresse suivante :

                      – gestion1.taiohae@sante.gov.pf

Cordialement. Myrna PETERANO.

hnk

 

Les infrastructures de l’hôpital de Nuku Hiva sont performantes et les agents de santé compétents, malheureusement le manque permanent de personnels met en péril la vie des Marquisiens. (ME/LDT)

Malgré un plateau technique satisfaisant les futures mamans de l’archipel doivent partir en évasan à Tahiti pour accoucher. Actuellement 2 médecins généralistes, 1 sage-femme et 6 infirmiers manquent au fonctionnement des services. Le manque de personnel handicape gravement la vie de l’hôpital.

La population exprime son mécontentement d’être “prise en otage”.L’hôpital de Nuku Hiva est l’unique hôpital des Marquises. En raison de l’éloignement de l’archipel il est inconcevable que cette unité de santé disparaisse au profit d’un simple dispensaire. Pourtant, il semble que depuis plusieurs mois les pouvoirs publics et notamment les intervenants de la direction de la Santé laissent volontairement s’envenimer la situation du manque récurent de personnel.
La population, qui n’a d’autre choix que de subir cette préoccupante situation depuis le début de l’année, a décidé de faire savoir son mécontentement en interpellant notamment les élus de l’archipel. “La population marquisienne est prise en otage”, explique Tahia habitante de Nuku Hiva actuellement enceinte. “Pour ma part, je vais devoir comme 25 autres futures mamans être évasanée pendant plus d’un mois sur Tahiti pour accoucher car la maternité de notre hôpital est, une fois de plus, fermée par manque de personnel. Toutes ces évasans vers Tahiti coûtent bien plus cher que le recrutement de quelques personnels, c’est un gaspillage inadmissible. Surtout qu’il y a ici toutes les infrastructures pour accoucher dans les meilleures conditions. Qu’attends le ministère de la Santé pour recruter les sages-femmes, les médecins, et les infirmiers nécessaires au bon fonctionnement de notre hôpital ? C’est la question que tous les habitants des Marquises se posent.
La future maman conclut par ces interrogations : “Faut-il qu’il y ait des morts pour qu’on nous prenne en considération ? Sommes-nous des sous-citoyens aux yeux de Tahiti ?”

Pas d’anticipation

En effet, aucune politique d’anticipation des remplacements de personnels en congés ou de personnels en fin de contrat n’est active. Pour preuve, Depuis le mois de juillet, un médecin généraliste est manquant suite à une fin de contrat (échéance connue depuis plus d’un an par le ministère de la Santé), aucun médecin n’a été recruté depuis, alors que se trouve justement sur Nuku Hiva le Dr Laetitia Pavard qui postule pour ce poste, qu’elle connait bien pour l’avoir occupé il y a un peu plus d’un an. Idem pour le second poste de sage-femme qui est vacant depuis le mois d’avril, alors que plusieurs candidatures sérieuses ont été proposées à la direction de la Santé, qui n’a pas donné suite. Six infirmiers manquent également à l’appel, dont les deux infirmiers anesthésistes (IAD), sans qui le bloc opératoire de l’hôpital ne peut fonctionner.
Le chirurgien et le médecin anesthésiste en charge du bloc opératoire ne demandent qu’à travailler. Mais en raison du non-recrutement d’infirmiers anesthésistes, les deux médecins ne peuvent pas assurer les chirurgies réglées. Le Smur (service médical d’urgence et de réanimation) est de ce fait également en stand-by, de même que les commandes de médicaments et l’entretien du matériel qui sont à la charge de l’IAD.

Les visites médicales suspendues

Depuis le début de l’année, le bloc opératoire a souffert d’un manque d’effectif la moitié du temps, impliquant la fermeture de l’unité et par la même occasion, la fermeture de la maternité, car sans bloc opératoire opérationnel aucun accouchement n’est possible.
Bien entendu, ce manque de personnel est à l’origine de l’arrêt des visites médicales dans les vallées de Nuku Hiva et dans les autres îles. Une situation vécue à juste titre comme un abandon par les populations des villages reculés de l’archipel (Lire l’exemple de Fatu Hiva dans notre édition d’hier, NDLR).
De plus, pour palier le déficit de personnels, les agents en poste à l’hôpital doivent multiplier les astreintes et par conséquent accumuler de la fatigue.
“Nous avons beaucoup de chance qu’il n’y ait pas eu de drames jusqu’à présent”, explique une infirmière. “Nous faisons ce que nous pouvons avec ce que le ministère de la Santé veut bien nous donner ; c’est-à-dire pas grand-chose au niveau personnel. En résumé, on nous demande de fonctionner avec les standards professionnels de la métropole mais on nous donne les moyens d’un pays du fin fond de l’Afrique !”
Une situation plus que critique que la population des six îles de l’archipel souhaite voir se résoudre rapidement. D’autant que dans quelques semaines, la population des Marquises va doubler, voire tripler à l’occasion du Festival des arts de l’archipel.

De notre correspondante Marie Edragas

 

 

Une structure indispensable pour un archipel éloigné

Pour évacuer un patient de l’hôpital de Nuku Hiva vers les unités de santé de Tahiti, il faut compter un minimum de 8 heures à partir du moment où les équipes du Samu de Tahiti donnent leur feu vert (ce qui peut prendre plusieurs heures). Le plus souvent ces évasans prennent plus de 12 heures, parfois plus encore lorsque le patient est acheminé d’une autre île que Nuku Hiva.
Par ailleurs, il arrive régulièrement que certains patients ne soient pas transportables.
Il est donc aisé de comprendre le côté indispensable du bon fonctionnement de l’hôpital marquisien, et en particulier de son bloc opératoire et du service d’urgence et de réanimation dont les infrastructures, refaites à neuf il y a quelques années, sont performantes.

 

 

“Nous voulons que sur l’état civil de nos enfants il soit inscrit “né aux Marquises”

Les femmes enceintes de l’archipel ne peuvent dorénavant plus accoucher à l’hôpital puisqu’en raison du manque de personnel, la maternité marquisienne a dû fermer ses portes. Pour montrer leur mécontentement les femmes ont décidé de faire parvenir une pétition aux autorités concernées de Tahiti par le truchement du maire de Nuku Hiva Benoît Kautai, qui comme les cinq autres maires de l’archipel, ne souhaite pas voir l’hôpital marquisien dépérir.
L’embauche de deux infirmiers anesthésistes et d’une sage-femme notamment permettrait d’éviter un flot d’évasan important dans les jours à venir.
Addu, Marine et Victorine (de gauche à droite) font partie des 25 femmes enceintes qui devraient être évasanées à la mi-décembre (1 mois avant leur terme) pour accoucher à Tahiti. Elles expriment clairement leur mécontentement : “Nous ne voulons pas accoucher à Tahiti. Nous voulons que sur l’état civil de nos enfants il soit inscrit “né aux Marquises”. De plus, nous allons devoir passer Noël et les fêtes de fin d’année à Tahiti seules loin de nos maris et nos enfants ! Outre le fait de cette séparation, il y a le coût car même si la CPS prend en charge nos billets d’avion et notre hébergement, il faut bien vivre pendant un mois à Tahiti, c’est une dépense supplémentaire importante que nous n’avions pas prévue. C’est très hypocrite de la part des autorités de Tahiti de nous faire croire que les Marquisiens ont les mêmes droits que les autres, ce n’est pas vrai.
À l’heure où le Pays cherche soit-disant à faire des économies, il évasane des dizaines de femmes, alors que nous savons très bien que des personnels de l’hôpital de Raiatea sont prêts à venir nous dépanner. Cela fait plusieurs mois que nous subissons, maintenant nous voulons être entendues.”

Propos recueillis par ME

Copyright http://www.ladepeche.pf/L-hopital-marquisien-abandonne-par-les-pouvoirs-publics_a9215.html

3 commentaires sur “NUKU HIVA : L’HÔPITAL MARQUISIEN ABANDONNÉ PAR LES POUVOIRS PUBLICS (La Dépêche de Tahiti)

  1. Il faut revenir à la réalité du terrain.

    L’hôpital de Taiohae n’est qu’un dispensaire avec une vingtaine de lits d’hospitalisation, pour une activité correspondant à celles d’îles identiques en population, Hiva Oa et Ua Pou. Sur ces îles un médecin assure à lui seul la même activité que les trois médecins « indispensables » de Taiohae, et en plus il assure des tournées dans les vallées.

    Les lits d’hospitalisations ne servent qu’en attente de pathologie légère mais surtout d’attente de l’évacuation vers le CHPF de Papeete. Il n’y a pas de spécialiste de médecine interne ou médecine infectieuse, seuls trois médecins généralistes, souvent sans expérience de médecine tropicale ou d’exercice en poste isolé. Les médecins des autres îles envoient directement leurs patients difficiles vers le CHPF sans passer par Taiohae.

    La maternité n’assure qu’une cinquantaine d’accouchements par an, avec une baisse continue de l’activité. Les conditions de sécurité et de confort ne correspondent plus aux normes exigées aujourd’hui tant par les autorités de tutelle que par les parturientes.

    Le bloc opératoire qui est la fierté de l’établissement est effectivement bien équipé, voire même suréquipé pour l’activité effective. Les urgences chirurgicales toujours mises en avant pour justifier ce bloc opératoire sont rares, à peine trois césariennes par an, les urgences vitales sont exceptionnelles. La petite traumatologie, les plaies infectées et les incisions d’abcès représentent l’activité essentielle du chirurgien.

    Le bloc opératoire n’est utilisé que huit heures par semaine sur les trente heures disponibles normalement. Ce qui laisse du temps libre pour le personnel, chirurgien et anesthésiste compris.

    L’anesthésiste ne peut travailler sans IADE, ce qui justifie la fermeture provisoire du bloc. En métropole en effet la présence d’un IADE est obligatoire dans un bloc mais également la présence d’infirmier de bloc opératoire (IBODE). Il n’y en a pas à Taiohae. L’activité réelle du bloc opératoire ne justifie pas la présence de l’IBODE ni de l’IADE.

    L’IADE peut être justifié pour assurer le SMUR et épauler les pompiers de Nuku Hiva. L’activité de l’IADE repose actuellement sur l’accompagnement à l’aéroport de patients hospitalisés ou de patients en transit arrivés seuls de leur île.

    Un laboratoire est présent au sein de l’hôpital avec deux laborantins. Ce laboratoire n’assure que les examens de l’hôpital de Taiohae. Les dispensaires des autres îles travaillent avec l’institut Mallardé, dont les résultats sont fournis rapidement et validés par un médecin biologiste.

    Cet hôpital doit rester mais dans une autre configuration.

    Au niveau du bloc opératoire d’abord. Mal configuré, avec des équipements excessifs et ruineux en entretien et en dépenses courantes. Des astreintes de personnel infirmier doublées, avec un système de récupérations nécessitant un personnel en surnombre pour une activité opératoire urgente infime. Le personnel doit être revu à la baisse ou redéployé utilement.

    La maternité pour le nombre d’accouchements n’est plus aux normes de métropole. Deux décès périnataux ces dernières années auraient pu être évités par la présence d’un pédiatre, le plus sage est le transfert des parturientes vers le CHPF.

    Le laboratoire n’a plus sa raison d’être pour une simple activité locale.

    Environ cinquante personnes travaillent dans cet hôpital, soit dix fois plus qu’à Atuaona ou à Hakahau, où un simple dispensaire remplit les mêmes demandes de santé.

    Des évolutions sont nécessaires, des solutions ont été envisagées, mais toujours repoussées par certains acteurs de l’établissement, y exerçant souvent de longue date, qui semblent le plus souvent dans une démarche de défense d’intérêts personnels (heures supplémentaires injustifiées, astreintes inutiles), ou par le souhait de privilégier un confort d’exercice organisé parfois de longue date, et qui maintiennent la population de l’île dans l’ignorance de la situation réelle de l’établissement et des changements indispensables.

    La direction de la santé est parfaitement informée de l’état de l’établissement, un audit a été fait fin 2015, mais la politique politicienne et le corporatisme syndical bloquent toute évolution et amélioration.

    Dr Antoine BRUEL
    chirurgien en poste à Taiohae de 2011 à 2015

    PS Les articles de la presse locale au sujet de l’hôpital sont des « marronniers », téléguidés par quelques personnels de l’hôpital qui sentent que la situation va devoir évoluer pour rester dans des conditions de travail et de sécurité dignes de ce siècle et que leur sinécure va disparaître.
    Les rapports d’activité transmis à la direction de la santé étaient jusqu’à présents surdimensionnés. En tant que directeur par intérim pendant un an j’ai eu accès aux vrais chiffres d’activité, bien loin des exagérations déclarées.

    J’aime

  2. Le Dr Bruel décrit une réalité comptable qui malheureusement fait abstraction de la réalité humaine des Marquuses que tout medecin doit envisager. C’est un peu dire que l’hôpital n’est pas assez bon, les Marquisiens iront se soigner ailleurs; C’est un peu comme la remarque attribuée à Marie Antoinette: le peuple n’a pas de pain, il mangera des brioches.

    J’aime

    1. La réalité du terrain : le peuple préfère manger de la brioche et le Marquisien réclame l’évasan pour se faire soigner dans de meilleures conditions à Papeete….et faire les courses.

      Mais ce n’est pas politiquement correct de le dire.

      Il serait possible de soigner mieux aux Marquises, dans la structure actuelle mais en modifiant les façons de travailler. Mais ce n’est pas acceptable pour les acteurs locaux.

      Ce n’est pas non plus politiquement correct de le dire.

      J’aime

Les commentaires sont fermés.